Les Télégraphes

Paris 1867 - Innovations (techniques, transport ...)
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worldfairs
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Les Télégraphes

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Texte de "L'Exposition Universelle de 1867 Illustrée"

telegraphes.jpg

Ces petits appareils, qui occupent à l’Exposition comme ailleurs si peu de place, réalisent les merveilles les plus extraordinaires de toutes les merveilles enfantées par la science. L’attentat contre la vie du tsar a été connu à New-York, quatre heures après l’événement, longtemps avant que la plupart des Parisiens en eussent connaissance.

Nous avons parié des câbles télégraphiques anglais, qui ont permis de réaliser ce prodige, dans notre revue de l’exposition des machines ; comme complément disons un mot des câbles français exécutés par M. Rattier. Ce ne sont plus, pour la plupart, des câbles sous-marins, mais des câbles souterrains destinés principalement à la traversée des villes et des tunnels, mais qui plus tard seront probablement employés partout, comme déjà cela a eu lieu en Prusse où des câbles analogues remplacent nos fils aériens avec un grand avantage.

Dans les villes, les câbles sont logés tantôt dans les égouts, tantôt dans des tuyaux en fonte; dans ce dernier cas, ils sont simplement enveloppés d’une hélice de ruban goudronné; dans les égouts, où les câbles sont exposés à des exhalaisons destructives et à des chocs, ils sont recouverts en plomb. Les fils télégraphiques sont en cuivre et composés de quatre brins, ils sont entourés de gutta-percha et réunis au centre du câble au nombre de un à sept.

Voyons maintenant les appareils que, d’un continent à l’autre, ces fils font parler.

A tout seigneur tout honneur, commençons par le télégraphe Hughes dont l’inventeur a reçu le grand prix par acclamations. Le principe est celui de l’égalité de mouvement, aux deux stations, de la roue des types et du chariot multiplicateur.

L’appareil transmet 60 dépêches (de 20 mots) à 1 heure, elles s’impriment sur un étroit ruban de papier que l’on remet directement au destinataire. En même temps une dépêche identique s’imprime au point de départ, reste comme copie et permet, au fur et à mesure de l’envoi de la dépêche, de vérifier s’il ne s’y commet pas quelque erreur.

Tout ce que nous pouvons dire de cet appareil merveilleux, c’est que l’impression est faite en capitales ordinaires par une roue portant en relief sur sa circonférence les lettres, les chiffres et les signes d’imprimerie.

Ces mêmes caractères sont gravés sur les quatorze douches noires et douze touches blanches d’un clavier de 28 touches pareil à celui d’un clavecin. Chaque touche est marquée de deux caractères et imprime l’un et l’autre à volonté.

A cet effet les deux touches blanches, qui ne portent aucun caractère, servent, la première à imprimer, au lieu des lettres, les signes et les chiffres, et à marquer les espaces qui peuvent être nécessaires entre eux ; la seconde à passer des signes et des chiffres aux lettres et à marquer les intervalles entre les mots.

L’appareil Hughes a été exposé par l’administration française et MM. Hardy, Digney et Dumoulin-Froment. II est à remarquer que les États-Unis de l’Amérique qui, en la personne du professeur Hughes, ont reçu le grand prix pour le télégraphe imprimeur à clavier, n’ont pas exposé un seul de ces appareils. M. Dumoulin-Froment a présenté deux appareils dont les vingt-huit touches suffisent, grâce à une double roue des types, à impr imer quatre-vingt-quatre caractères, à savoir, outre les chiffres, les signes et l’alphabet romain, tout l’alphabet russe.

Le télégraphe d’Arlincourt agit de même; seulement, le clavier est circulaire et se compose de vingt-huit pistons. L’appareil est peu coûteux et d’un maniement facile, mais si délicat, qu’en pratique il n’est guère estimé.

C’est précisément le même défaut qui empêche l’adoption définitive de cet admirable pantélégraphe Caselli qui reproduit également bien l’écriture, lé dessin, et, ce qui aurait au point de vue financier, commercial et judiciaire, une importance extrême, le paraphe et la signature. Voici comment fonctionne ,le pantélégraphe: La dépêche, écrite à la plume sur une feuille d’étain doublée de papier, est mise sur un appareil. A la station d’arrivée, une autre feuille étamée est placée sur un appareil identique, et une feuille de papier, imprégnée de prussiatede potasse, lui est superposée. Mises en mouvement par un balancier dont les oscillations sont réglées électriquement par le pendule d’un mouvement d’horlogerie, deux pointes parcourent simultanément toute la surface des deux feuilles aux deux stations. Chaque fois que la pointe delà première station rencontre un trait de plume, la pointe de l’autre station trace un trait bleu qui se décalque sur la feuille d’étain placée dessous. Quand la dépêche a passé (et le pantélégraphe, qui en transmet deux à la fois, en transcrit vingt à l’heure), la feuille étamée du poste d’arrivée est frottée avec des oxydes qui font apparaître la dépêche en noir, sur fond argenté, absolument comme sur le télégramme de l’expéditeur. La feuille qui s’est dessinée en bleu sur fond blanc est gardée par l’administration comme copie.

Pour tous les télégraphes reproducteurs, la grosse difficulté était d’obtenir un mouvement rigoureusement synchrone des deux appareils. Aujourd’hui, M. Lenoir aussi bien que l’abbé Caselli ont, par des procédés divers, supprimé cette soi-disant impossibilité, et ils ne se débattent plus que contre de petites difficultés pratiques qui sont la pierre d’achoppement des inventeurs.

M. Cacheleux a obtenu une médaille de bronze pour son télégraphe, mais la place nous oblige à passer au Morse et à tes dérivés.

L'appareil Morse, perfectionné par les frères Digney, est d’une extrême simplicité, mais il ne. transmet que vingt dépêches à l’heure, et la dépêche, qui s’imprime en caractères hiéroglyphiques, a besoin d'être copiée et deux fois traduite, ce qui est une cause de perte de temps et une source d’erreurs. Le morse n’a besoin pour fonctionner que d’un petit levier dont chaque abaissement détermine le passage d’un courant électrique qui, à l’autre station, fait appuyer un ruban de papier contre une molette enduite d’encre. Il se produit des petits traits dont on a composé un alphabet.

Dans tous les télégraphes, le moteur, à la station d’arrivée, est invariablement en électro-aimant, dont le courant, que la station de départ y fait passer, détermine l’aimantation, et qui alors attire une pièce de fer doux.

M. Sortais a imaginé un perfectionnement important, qui consiste en ce que la station de départ fait avancer elle-même la bande de réception de l’arrivée, tandis qu’il fallait jusqu’à présent que le stationnaire de cette dernière station mît lui-même en marche l’appareil de déroulement.

Mais le perfectionnement le plus admirable du morse est trop récent pour avoir pu figurer à l’Exposition. Imaginé par MM. Chauvassaigne et Lambrigot, il consiste d’abord à écrire avec de l’encre résineuse, sur une bande argentée, la dépêche en signes Morse, à l’aide d’un petit levier qui presse la bande contre une molette encrée. La bande composée est placée sous un style et y glisse par l’action du mécanisme. A la station d’arrivée, une autre bande de papier ordinaire se déroule, une molette y trace une ligne de prussiate de potasse en dissolution. Une pointe identique à celle du départ passe sur cette ligne. Quand le courant passe, c’est-à-dire quand la pointe de départ frotte contre l’étain, l’électricité décompose au poste d’arrivée le prussiate et trace un trait bleu; quand, au contraire, la première pointe arrive sur l’encre isolante, le courant cesse, la bande de réception reste blanche; et toute la dépêche se reproduit ainsi. Si elle doit être réexpédiée, on fait appuyer la bande argentée, à l’aide d’un levier et d un électro-aimant, contre une molette enduite d’encre isolante, et l’on met ce télégramme sous un autre appareil. Il est évident qu’avec ce système on pourra réaliser la dépêche secrète, suivant les idées de M. Arnoux qui, peut-être, a donné la première idée de ce perfectionnement ou, pour mieux dire, de cette révolution; car on envoie par ce système 180 dépêches à l’heure, et les fils cessant d’être encombrés, on pourra abaisser au quart le prix des dépêches.



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