Musée retrospectif

Paris 1867 - Arts, design, fashion, shows
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worldfairs
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Un Éventail de Boucher.
(Collection de M. Piogey.)

Éventail de Boucher
Éventail de Boucher

Aujourd’hui, peint des éventails qui veut; le barbouilleur le plus abandonné des dieux n’en est point empêché.

Sous ce rapport on avait moins de liberté au siècle dernier. C’est que les éventaillistes formaient une corporation en dehors de laquelle il eût été bien difficile d’enluminer la moindre feuille de vélin ou d’ivoire, pour Chevalier, Josse, Boquet, Hébert, Race, ou Mme Vérité, les marchands les plus achalandés du temps.

D’ailleurs, comme il appert de ses statuts en date de 1714, cette corporation ne s’ouvrait pas au premier venu. Même elle obligeait le candidat à des conditions quasi rigoureuses. Par exemple, la preuve de quatre années de bon et loyal apprentissage chez un maître était avant tout indispensable. Puis, ce premier point établi, il fallait soumettre au conseil des anciens un chef-d’œuvre, lequel était ordinairement examiné dans ses détails, avec scrupule. Or, jugé défavorablement sur cette pièce, le candidat se trouvait renvoyé à une session subséquente; au contraire, objet de l’approbation des maîtres, il était admis dans la communauté, mais non avant d’avoir, à titre de bienvenue, versé entre les mains du trésorier la somme de 550 livres.

Cependant, par un privilège heureux, les fils de maîtres, ou l’époux d’une veuve, ou bien d’une fille de maître, d’emblée, sans preuve ni examen préalables, entraient dans la corporation, pour tous autres, ainsi que je l’ai dit, d’un accès peu commode. Bref, rien qu’à Paris, en 1766, on ne comptait pas moins de cent trente maîtres éventaillistes, au demeurant peintres secondaires, dont les noms sont pour la plupart oubliés, et qui, suivant les caprices de la mode, se faisaient les imitateurs de Gillot, de Watteau, de Pater, de Lancret, des Vanloo, de Boucher ou de Greuze.

Mais s’il est bien certain que presque tous les éventails attribués aux galants peintres du dix-huitième siècle, sont dus simplement à des pasticheurs peu célèbres, au sieur Pichard, entre autres, ou à la dame Doré que mentionne un almanach de 1773, celui dont nous publions la gravure, révèle un artiste véritable : au caractère agréablement faux du coloris, au charme particulier de l’exécution tous les amateurs y reconnaissent sans hésiter une œuvre de Boucher.

Et pourquoi pas? Après tout Boucher a peint nombre de pantins et aussi beaucoup de ces œufs que le roi distribuait la veille de Pâques à ses familiers ; peut-être s’est-il amusé sur les lames d’un éventail, à ces visages de fillettes accortes et rieuses, minois fripons et futés plus encore que jolis? Et ces amours qui badinent au milieu de guirlandes de fleurs, dans leur chair un peu bouffie et meringuée de tons roses ne retrouve-t-on pas Boucher, et du meilleur?

Ah ! c’était un aimable artiste ! Certes il commit plus d’un écart de dessin et donna à la vérité plus d’une entorse, plus d’un soufflet à la raison; mais il eut des qualités précieuses qui rendent ses erreurs à peu de chose près pardonnables. Il savait équilibrer une physionomie, mettre entre le regard et la bouche un accord parfait; il excellait à chiffonner le satin et la soie, à peindre les sourires francs, dégourdis, sans-façon, les regards animés, les lèvres retroussées aux coins, offrant ou quêtant un baiser. Sincère, sans artifice, il était vif, plaisant, net dans l’expression, prompt et adroit dans le travail. Comme il savait d’un coup de vigueur raffermir une ombre languissante, ou bien — même en se trompant — préciser d’une hachure de lumière une forme indécise !

Assurément, par bonheur pour lui, il est venu à point nommé. Dans un milieu austère et réservé, il eût été sans essor; arrivant en pleine Régence, il a eu à qui parler, à qui répondre. Comprenant à merveille le goût et l’esprit de son époque, lui-même fut parfaitement compris de tous ses contemporains, et, aujourd’hui encore, il reste comme l’un des peintres du dix-huitième siècle qui ont le mieux interprété cette grâce unique, maniérée et incomparable qui fascina la cour et la ville, que dis-je? la nation tout entière, et après la nation, l’Europe.

Mais je reviens à notre éventail.

Il appartient à M. Piogey. Les ornements sont légers, le ton des figures est finement rosé, le bleu du ciel chimérique, l’exécution leste, franche, hardie, pimpante. En un mot, c’est l’un des plus précieux qui aient été exposés au Champ de Mars, où il y en a plusieurs de charmants, et si l’on ignore pour qui un tel bijou a été fait, du moins voit-on qu’il était digne de briller aux mains d’une souveraine.



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worldfairs
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L’Oratorio d’Alonzo Cano.

L’Oratorio d’Alonzo Cano
L’Oratorio d’Alonzo Cano

Le peintre espagnol dont nous donnons aujourd’hui un tableau qu’on a pu admirer dans la Galerie du travail, était une des natures les plus heureusement douées du dix-septième siècle.
Les biographes l’ont souvent comparé à Michel-Ange, et il est certain qu’il était triplement artiste. Comme architecte, comme sculpteur, comme peintre il a légué à la postérité des œuvres de mérites différents, sans contredit, mais par l’ensemble de son œuvre il a donné les preuves d’une multiplicité d’aptitudes qui caractérisent les grands esprits.

Avec Michel-Ange il eut encore de commun une vie très-agitée et le goût des aventures; c’est là un sujet qu’il ne nous appartient pas d’aborder ici, et pour lequel nous renvoyons nos lecteurs à l’intéressante étude que M. Charles Blanc, dans son Histoire des peintres, a consacrée à l’artiste espagnol, Il nous suffira de dire qu’Alonzo Cano était né à Grenade, en 1601, et qu’il mourut à l’âge de soixante-seize ans.

Pendant le dix-septième siècle on admirait fort ses constructions ; son style rond, bâtard, chargé de corniches et d’ornements lourds, se rapprochait de ce qui était alors à la mode, et de ce qui caractérise l’époque de Louis XIII, Comme sculpteur il ne fit guère que des statuettes, et fouilla plus souvent le bois que le marbre ; mais autant il sacrifiait au goût du jour dans ses conceptions architecturales, autant il savait être simple, délicat, élégant dans sa statuaire.

Le peintre était encore supérieur au sculpteur. A la fois de la vigueur comme Michel-Ange et de la douceur comme l’Albane ou de la grâce comme le Corrége, voilà quelles étaient les qualités de ce talent varié.

L’Oratorio a été achevé, comme nous l’apprend une inscription du cadre, en 1658, alors que Cano était dans la pleine maturité de son talent et à l’apogée de sa gloire. L’Oratorio est un pieux monument, une espèce d’ex-voto, placé par Cano dans une chapelle de Grenade, en mémoire d’un moine qui venait de mourir et qui, autrefois, l’avait retiré des mains de l’inquisition. L’artiste avait mauvaise tête, mais bon cœur; et il s’était souvenu du service éminent que lui avait rendu le P. Maino.

Le centre du monument est occupé par un tableau qui représente la Madeleine, agenouillée à l’entrée d’une grotte creusée dans le roc, dans une de ces solitudes austères où les bruits du monde n’ont pas même d’écho. Elle tient des deux mains une croix qu’elle contemple avec des yeux remplis de larmes. La conscience de ses péchés, l’espoir du pardon troublent la pénitente. A ses pieds est un livre entr’ouvert, posé sur une tête de mort; dans le haut voltigent trois chérubins qui assistent au repentir de la belle pécheresse et qui pourront en témoigner. Le tout est tenu dans une gamme très-douce; le coloris est plein d’unité et d’harmonie; le sentiment de la tendresse est celui qui résulte du premier coup d’œil.

Le tableau est placé dans un cadre richement orné, et soutenu lui-même par deux têtes de chérubins. Dans la partie supérieure du cadre se trouve un bas-relief rectangulaire, taillé dans une sorte d’albâtre, qu’en Espagne on appelle le marbre de Loja. Ce bas-relief représente l’ensevelissement du Christ. Le monument est couronné par la statuette de S. Antonin et par les figurines de quatre anges debout sur des tiges dorées. Au bas du cadre s’agenouillaient autrefois deux statuettes, que notre dessinateur a cru devoir reproduire, quoiqu’elles n’existent plus aujourd’hui, si ce n’est en fragments mutilés : la tête de la Vierge, le buste et les mains d’un moine.

Jusqu’en 1841, Y Oratorio resta dans la famille d’Alonzo Cano. Depuis, il est devenu la propriété d’un amateur français, M. Choquet.

C’est un spécimen glorieux de cet art espagnol que nous connaissons très-peu en France et que nous avons la prétention d’avoir résumé tout entier, quand nous avons prononcé les noms illustres de Velasquez, Ribera, Murillo et Zurbaran.

Alonzo Cano mérite une place à côté des maîtres, et si le goût des connaisseurs la lui a depuis longtemps accordée, nous espérons que l’Exposition universelle aura servi à lui faire rendre justice par le public.



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Pendants d’oreilles byzantin et mérovingien.

Pendant d’oreilles byzantin
Pendant d’oreilles byzantin
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Le Musée rétrospectif contient un certain nombre d’objets des périodes mérovingienne et carlovingienne, qui méritent d’être attentivement étudiés. Ce sont des fibules, des boucles d’oreilles, des pendants, des boucles de ceinturons, appartenant à divers musées de province, à diverses collections particulières; c’est encore l’épée mérovingienne du musée de Troyes; ce sont des calices en argent doré, des olifants ou trompes d'ivoire, parmi lesquels il faut surtout remarquer le cor de Roland, celui qui, selon la tradition, lui servit à la bataille de Roncevaux ; c’est enfin la statue équestre de Charlemagne, en bronze doré.

Si l’on ne considérait ces objets qu’au point de vue de l’art et de la beauté, la désillusion serait grande, mais il faut se rendre compte des motifs qui ont fait adjoindre un musée rétrospectif à l’exposition des produits de notre époque.

La dénomination de galerie du travail explique suffisamment ces motifs.
On a voulu, en effet, réunir sous les yeux des visiteurs, non point les plus beaux objets des siècles passés, mais tous les objets qui peuvent donner quelques notions de l’état de l’industrie et des arts aux principales époques du moyen âge et des temps modernes.

Pendant d’oreilles mérovingien
Pendant d’oreilles mérovingien
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Cette explication nous a paru nécessaire pour faire comprendre à tous l’importance des bijoux que représentent nos gravures. Tout le monde ne saurait connaître à fond le moyen âge, il faut donc, lorsqu’on parle de ses époques les plus lointaines et de ses œuvres les moins connues, faire connaître sommairement l’intérêt qu’elles excitent auprès des amateurs et des érudits. Les pendants d’oreilles, appartenant à la collection de M. Charvet, sont désignés sous le titre de bijoux byzantins et paraissent, en effet, appartenir à cet art.

Le pendant est de forme circulaire, il est orné de filigranes tordus fixés par des clous et de quatre lames de verre pourpre alternant avec quatre turquoises : une turquoise de plus grande dimension figure dans le milieu.

Le revers de ce joli pendant est recouvert par une demi-sphère à jour en filigrane cordelé.

Quant au second pendant d’oreilles, il est d’un caractère différent; il a, du reste, été trouvé sur le sol français et semble appartenir à la période mérovingienne.

Ce pendant d’oreilles, appartenant, comme le3 autres, à la collection de M. Charvet, est d’une extrême simplicité. Il se compose d’un grand anneau d’or, de forme ovale, qui traverse un polyèdre en verre pourpre enchâssé dans l’or.



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Texte et illustrations de "Les merveilles de l'Exposition de Universelle de 1867"

Nous inaugurons aujourd’hui une série d’études que nous prenons à un double point de vue. Nous allons soumettre à nos lecteurs une sorte de musée rétrospectif composé des meilleures œuvres et des plus typiques, que les diverses époques de l'art ont léguées à la postérité. Nous voulons en même temps que cette revue soit un aperçu rapide des collections des principaux amateurs et en révèle les plus importantes pièces, qui toujours sont comparativement peu connues du public.

Suivant l’ordre chronologique, nous commencerons notre course à travers les siècles par une statue égyptienne.

La statue colossale assise, en diorite, qui occupait le fond du sanctuaire dans le temple égyptien du Champ de Mars, est pour l’histoire un monument inappréciable, car c’est la plus antique statue royale parvenue jusqu’à nous. Les cartouches qui y sont gravés nous apprennent, en effet, dit M. lenormant dans le travail qu’il a publié sur l’Égypte à l’Exposition, dans cet excellent recueil qui s’appelle la Gazette des Beaux-Arts, « quelle représente le quatrième prince de la quatrième dynastie (entre 2500 et 2300 av. J. C.), le roi Schafra, le Chephren d’Hérodote, le Chabryès de Diodore de Sicile, celui qui fit élever pour sa sépulture la moindre des Pyramides de Gizeh. » Cette statue a été trouvée par M. Mariette dans le temple voisin du Sphinx, au fond d’un puits où elle avait été précipitée à la suite de quelque révolution, avec une autre statue assise du même prince, en basalte vert, moins grande et très-inférieure comme art et comme exécution, qui a été également apportée à l’Exposition universelle. L’une le représentait arrivé à la vieillesse, presque en décrépitude, tandis que l’autre, celle de diorite, le montre dans-toute la force de l'âge.

Statue colossale, en diorite, du roi Schafra - Hsitoire du travail - Sanctuaire du temple égyptien
Statue colossale, en diorite, du roi Schafra - Hsitoire du travail - Sanctuaire du temple égyptien

La statue de Schafra est une sculpture d’une grande puissance, remarquable par la largeur de l’exécution. C’est bien ainsi que l’imagination se représente les orgueilleux constructeurs des Pyramides. Le roi est assis sur son trône avec la gravité majestueuse d’un homme qui se croit un dieu ; l’épervier divin étend ses ailes derrière sa tète pour le protéger et comme pour l’animer de son souffle. Cette statue présente certaines marques d’archaïsme. L’art n’y est pas encore parvenu au degré de perfection qu’il atteignit un peu plus tard. La nature de la matière travaillée a forcé à simplifier l’exécution, à procéder par grands plans, à sacrifier un certain nombre de détails; mais la tendance à reproduire la réalité de la nature sans chercher à l’idéaliser, est manifeste. La roche dans laquelle cette statue a été taillée est plus dure que le porphyre : une vie de sculpteur a dû s’user tout entière à produire ce colosse.

Passons à la Chine. Voici un sceptre que l’on a vu figurer dans la collection du duc de Morny, et qui a été gravé naguère avec soin par la Gazette des Beaux-Arts.

Dans le principe, le sceptre ou Jou-y était le signe de la puissance suprême et de la divinité ; mais peu à peu la possession des insignes de ce genre pénétra dans les rangs de la haute société; l’empereur en offrit aux grands et aux hommes distingués par leur mérite, puis il devint d’usage d’échanger ce signe à titre de souhait favorable ; celui-ci a pu promettre une longue vie à quelque haut dignitaire à qui le sceptre de jade était interdit. (Disons en passant que le jade est un composé de silice, de chaux, de potasse et d’oxyde de fer ; le jade oriental ou blanc laiteux est originaire de Sumatra ; le jade vert céladon, la « pierre divine » des anciens, ou pierre néphrétique, avait la propriété de guérir les maux de reins ; le jade vert foncé se trouve sur les-bords du fleuve des Amazones.)

Si intéressants que fussent les laques de Chine, et il y en avait de fort beaux dans la collection du duc de Morny, on était involontairement entraîné vers les ouvrages japonais, plus parfaits sous tous les rapports. Ce que nous n’avons vu nulle part ce sont des flambeaux d’autel du genre de ceux dont nous donnons la figure. Dans ce bois laqué [les Japonais n’ont-ils pas atteint l’élégance des trépieds antiques? Les trois éventails placés au sommet et chargés des figures du mont Fousi, de la tortue sacrée et de la grue peuvent faire supposer une fabrication princière de Jetsijo.

Sceptre chinois - Flambeau d'autel japonais - Histoire du travail - Collection du Duc de Morny
Sceptre chinois - Flambeau d'autel japonais - Histoire du travail - Collection du Duc de Morny

Le cabinet de M. de Morny montrait aussi le bronze sous les aspects les plus variés, urnes élégantes dont les Grecs auraient accepté le galbe, brûle-parfums élancés ou lenticulaires, potiches lagénoïdes, lancelles, grandes coupes tripodes destinées à contenir le feu, les pièces de grandes dimensions, les bijoux délicats dépassant à peine quelques centimètres, tout est là, caractérisant les genres et les époques. Et quelle variété dans les appendices des vases, dans leurs ornements accessoires : oiseaux les ailes déployées, papillons, chimères grimaçantes, lions rugissants, le terrible et le gracieux, surmontent les pièces ou enrichissent les anses.

Brule-parfum japonais, en bronze - Hsitoire du travail - Collection du Duc de Morny
Brule-parfum japonais, en bronze - Hsitoire du travail - Collection du Duc de Morny

Parmi ces trésors, nous avons choisi une veilleuse sphéroïdale en bronze damasquiné qui porte sa coupe couverte en vermeil repoussé; cette œuvre pourrait se classer dans l’orfèvrerie, car le travail en relief représentant des grues dans les nuages est tout à fait digne du métal qui le porte.

Vénus proserpine, en terre cuite - Histoire du travail - Collection de Mme la vicomtesse de Jansé
Vénus proserpine, en terre cuite - Histoire du travail - Collection de Mme la vicomtesse de Jansé

Voici maintenant un des plus intéressants et charmants échantillons de l'art antique. C’est la Vénus Proserpine en terre cuite, de la collection de Mine la vicomtesse de Janzé. Elle provient d’une sépulture grecque de l’Italie méridionale. Aphrodite y est figurée en déesse des tombeaux, présidant à la vie nouvelle qui prend sa source dans la mort, en Vénus Proserpine ou Libitine, comme l’appelaient les Romains, d’après une conception capitale dans l’esprit des cultes antiques qui a fait le sujet d’un des plus beaux mémoires de M. Gerhardt. Elle s’appuyait sur le cippe funéraire aujourd’hui disparu, par un mouvement d’une liberté et d’une grâce exquises. Un diadème de reine orne sa tête. Un simple manteau négligemment jeté sur une de ses épaules et retenu entre les jambes croisées laisse à découvert les formes élégantes de son beau corps quelle étale aux regards avec l’assurance de sa splendeur divine. Toute la pureté, toute l’élégance et toute la vie du style grec de la grande époque sont empreintes dans cette belle statuette où respire aussi le sentiment du plus haut idéal. Ce n’est pas la Vénus romaine, la Vénus purement matérielle, déesse de la volupté physique et des courtisanes, c’est bien la Vénus céleste des Hellènes, la déesse de la beauté suprême et de la vie universelle du monde.

Reliquaire du trésor de Bale - Histoire du travail - Collection de M. Basilewski
Reliquaire du trésor de Bale - Histoire du travail - Collection de M. Basilewski

Visitons maintenant le moyen âge et faisons quelques emprunts à cette collection romane et gothique de M. Basilewski, qui est la plus complété parmi celles que nous connaissons.

Quoi de plus délicat et de plus élégant que ce reliquaire du trésor de Bâle? Quoi de mieux compris, comme sculpture, que ce polyptique?
Dans ce dernier on trouve avec tout son caractère cet aspect si essentiellement décoratif qu’avait la sculpture du treizième siècle, même lorsqu’elle se réduisait aux dimensions les plus exiguës. Cette œuvre est remarquable entre toutes pour l’accord qui existe entre les lignes de l’architecture et les figures que celle-ci encadre.

Polyptique en ivoire - Histoire du travail - Collection de M. Basilewski
Polyptique en ivoire - Histoire du travail - Collection de M. Basilewski

On voit, et nous ne croyons pas avoir besoin d’y insister, avec quelle liberté l’imagier a distribué les personnages des scènes qu’il avait à représenter afin de les rendre plus esclaves des dispositions architecturales adoptées dans la composition du monument que forme le polyptique que nous avons là sous les yeux. Ainsi la Vierge glorieuse, accompagnée de deux anges, qui occupe les trois arcatures inférieures de la partie centrale, se rattache aux registres correspondants des volets de gauche par les figures des rois mages en adoration, distribués sous les arcatures de ces volets. Sur le registre correspondant, ce sont d’autres scènes de la vie de la Vierge qui se développent, ainsi que sur les registres supérieurs. L’imagier n’a eu d’autre souci que d’encadrer chaque scène ou chaque personnage par les lignes de chacune des arcades qui couvrent les volets.

Sous les arcs supérieurs du centre, le Christ est assis en juge, montrant ses plaies, entre deux anges, qui portent les instruments de la Passion. Il est prié d’un côté par la Vierge, de l’autre par saint Pierre. Rien, si ce n’est la présence de la Vierge, ne rattache ce jugement dernier aux registres qui doivent le recouvrir lorsque les volets sont fermés.

Cet ivoire est français et vient de la basse Normandie. Il a aussi été reproduit par la Gazette des Beaux-Arts.



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