Compte rendu intéressant lu dans la presse internet :
De : http://thomassiemienski.blog.lemonde.fr/
Lundi dernier 26 novembre 2007, j'ai été le seul journaliste présent dans la salle lors du vote du Bureau des expositions internationales (BIE) qui a attribué à la ville de Yeosu en Corée du Sud l'organisation de l'exposition internationale Expo 2012. Etant donné qu'un journaliste de radio est composé, en plus des deux mains et deux jambes, d'un magnétophone et d'un microphone, j'ai pu enregistrer son déroulement. C'était édifiant et parfois assez drôle.
Cette délibération a suscité un grand intérêt en Pologne étant donné qu'une ville polonaise, Wroclaw, avait également proposé sa candidature. Tanger au Maroc était le troisième candidat.
Encore avant le vote décisif, la délégation polonaise a soulevé un problème qui méritait d'être pris au sérieux. Plus de 40 pays avaient rejoint le Bureau des expositions internationale au cours des derniers moi soit longtemps après le dépôt des candidatures. Le BIE avait grossi soudainement de 98 à 140 pays membres. Parmi cette quarantaines de nouveaux adhérants, 26 pays avaient été admis au cours des 2 dernières semaines avant le vote! Tous ces pays avaient donc le droit de participer au vote, sans pourtant disposer de suffisamment de temps pour connaître vraiment les trois proposition et voter en connaissance de cause.
Il est a souligner que ces pays, principalement situés en Océanie et en Afrique, avaient pu rejoindre le BIE grâce à un travail de communication et, très souvent, une aide financière de la Corée du Sud et, dans une moindre mesure, du Royaume du Maroc. Or, au tout début de la rivalisation pour l'Expo 2012, les trois candidats avaient conclu un accord selon lequel aucune des parties n'essaierait de faire venir de nouveaux membres pour faire pencher la balance de son côté.
Tout cela a amené la délégation polonaise à demander solennelement à la quarantaine de nouveaux membre de s'abstenir lors du vote.
Le problème c'est que, lors du vote, la possibilité de s'abstenir a été étrangement oubliée par les dirigeants du BIE. Avez-vous déjà vu un vote démocratique où l'on oblige même ceux qui n'ont pas d'opinion, à la donner quand même ?
Voilà comment cela s'est déroulé. Je répète qu'il s'agissait d'une réunion fermée à la presse.
Après une longue phase où une personne appelait une par une toutes les 140 délégations à retirer leurs boîtiers de vote, un autre membre du bureau a expliqué comment les utilise:
“Bonsoir à tous, vous aller donc avoir à répondre à la question qui sera posée sur l'écran en face de vous. Vous y répondrez grâce à ce boîtier qui comporte une dizaine de touches. Vous n'utiliserez que les trois premières touches - les touches A, B et C puisque vous n'aurez que trois choix possibles sur les questions, enfin, sur la question qui va vous être posée en premier. “
Voilà, les délégués savaient déjà comment voter. Ils savaient également que l'abstention n'était pas une option.
Ensuite c'est le président du BIE, Monsieur Wu Jianmin, qui prend la parole et invite les délégués à voter:
“Donc, nous procédons maintenant au vote. Vous voyez, A c'est Yeosu, B c'est Tanger, C c'est Wroclaw. Vérifiez bien, n'est-ce pas, votre vote. A Yeosu, B Tanger, C Wroclaw.”
Pas une fois depuis le début de la réunion, la possibilité de s'abstenir n'a été évoqué.
Le vote se déroule. Sur l'écran nous pouvons voir le nombre de voix validées. Au bout de quelques minutes le membre du bureau, celui qui expliquait tout à l'heure comment utiliser les boîtiers, montre l'écran et commence à mettre la pression:
“Vous voyez, en haut à droite, le compteur est à 132. Vous êtes 140 à voter aujourd'hu. Donc nous attendons qu'il y ait 140 pour passer au résultat”.
Amusant, n'est-ce pas? Tant que tout le monde n'a pas voté, on ne bouge pas d'ici. Et si les voix manquantes c'étaient les délégués qui n'avaient pas envie de voter sur les dossiers qu'ils n'avaient pas eu le temps de lire? Et s'ils préféraient s'abstenir? Eh bien tant pis pour vous, vous allez voter quand même!
Le chiffre sur l'écran augmente péniblement. A chaque nouveau vote la salle fait un “oh!” admiratif.
Encore 2 minutes. 139 délégations sur 140 présentes ont déjà voté. Il en manque une. Tout le monde attend, la tension monte. Le 140ème délégué ne vote toujours pas.
Et c'est là que le président Wu Jianmin POUR LA PREMIERE FOIS évoque cette terrible éventualité:
“Est-ce qu'il y a un pays qui veut s'abstenir?”
Un petit pas pour Monsieur Wu Jianmin, un pas de géant pour la démocratie! C'était bien la peine d'évoquer la possibilité d'abstention lorsque tous les délégués, sauf un, avaient déjà voté. Hypocrisie? manipulation? ou tout simplement amateurisme?
Monsieur Wu Jianmin ne lâche rien:
“Cent trente neuf, il en manque un. Peut-être quelqu'un n'a pas appuyé sur le bouton?”
Son second se met à chercher le fâcheux récalcitrant:
“La personne qui a le numéro 105 sur son boîtier a mal voté, ou mal appuyé, ou alors son boîtier ne fonctionne pas. /…/ La personne qui a le numéro 105 n'a pas voté.”
Et puis le second se décide à suivre son président sur le chemin escarpé de l'audace démocratique:
“Si vous voulez vous abstenir, hm… vous pouvez vous abstenir je pense…”
Pour moi “vous pouvez vous abstenir JE PENSE” est décidément la phrase du jour.
Encore une minute passe. C'était probablement le temps dont le 140ème délégué avait besoin pour lire les quelques centaintes de pages de dossiers de candidatures et pour voter en connaissance de cause.
L'écran affiche enfin le chiffre de 140 votes effectués. La salle pousse un grand ouf! de soulagement et fait une ovation au héro anonyme. Il était temps d'en finir, en effet.
Le résultat vient rapidement. La Corée du sud et le Maroc vont au second tour. Puis c'est la ville coréenne Yeosu qui gagne.
Si j'ai décrit tout cela, ce n'est pas pour défendre la candidature de la ville polonaise. Visiblement, elle n'avait aucune chance et un déroulement plus démocratique du vote n'y aurait pas changé grand chose.Mais il était important , à mon avis, de vous raconter comment on vote au Bureau des Expositions Internationales, lorsque les journalistes ne sont pas admis. L'enjeux pour les villes candidates et les pays hôtes est important. Il s'agit d'investissements énormes, de millliers d'emploi, de chantiers qui transforment la ville organisatrice de l'exposition internationale.
Et dire que tout cela se décide lors d'un vote organisé avec une telle insouciance…