Texte extrait d’un CD de Expo 2000 Hannover – L’histoire des Expositions Universelles
Le 11 mai 1873, l'empereur François-Joseph inaugura l'Exposition universelle de Vienne en présence des membres de la maison impériale, d'invités royaux et de nombreux membres du gouvernement, néanmoins sans représentant de l'église.
A 11 heures, la "Grande présentation du Prater" avec les représentants du gouvernement en costume national commençait.
A midi, l'arrivée de Leurs Altesses était saluée par l'hymne national et le Baron Schwarz-Senborn conduisit les invités d'honneur dans la rotonde pompeusement décorée où, à huis clos, la cérémonie d'ouverture fut célébrée. Son altesse impériale déclara l'exposition ouverte. Sous la direction du maître de chapelle de l'opéra de la cour, les chorales entonnèrent alors le Jubilate de Georg Friedrich Händel sur un texte tout spécialement rédigé pour l'exposition.
Après la cérémonie officielle, la première visite de l'exposition des invités d'honneur commença à 12h30. Bien que tous les produits fussent encore loin d'être exposés, la présentation luxueuse des arts décoratifs internationaux dans le palais de l'Industrie provoqua l'admiration de tous, notamment, celles exotiques et haut en couleurs des puissances coloniales, comme par exemple les pompeuses constructions en carton-pâte de la section orientale. Une particularité était la présentation des progrès faits dans le domaine de l'enseignement où l'on pouvait découvrir des modèles de jardins d'enfants, d'écoles et une sélection de matériels pédagogiques modernes.
La cérémonie d'ouverture
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Re: La cérémonie d'ouverture
Texte extrait du livre "L'Exposition Universelle de Vienne illustrée"
Inauguration de l'Exposition
Le grand acte solennel dont la date était fixée au 1er mai 1873, sur l’almanach, et qui était attendu des optimistes depuis des mois, avec une foi robuste, tandis que les pessimistes doutaient encore, le grand acte s’est enfin accompli et l’Exposition universelle de Vienne est officiellement ouverte.
Donc, à midi, le premier jour de mai, l’Exposition universelle de Vienne a été inaugurée par Sa Majesté l'Empereur François-Joseph. Le monarque était entouré d’un cercle d’hôtes illustres, parmi lesquels nous avons remarqué le Prince Impérial Allemand et le Prince de Galles, les héritiers probables de deux couronnes des plus puissantes de l’Europe. La fête avait lieu avec un éclat qui répondait à la solennité du moment et en présence d’une foule de peuple énorme.
Nous pourrions entonner, un hymne de louanges bien sonnant, si nous avions un sujet plus favorable que celui qui se présente à nous, c’est à dire au lieu des édifices incomplets de l’Exposition, sorte de coquilles sans rien dedans, un bon noyau bien mûr et pouvant être goûté. Car le noyau lui-même, l’Exposition, n’a pu contenter personne, le jour de l’inauguration : celle ouverture était comme le cassement d’une noix qui n’est pas encore mûre et qui aurait besoin de quelques semaines pour être mangeable.
Dès lors, les optimistes aussi bien que les pessimistes ont eu raison aujourd’hui, pour ce qui concerne l'objet principal, et le visiteur accouru de loin pour faire ici des études industrielles, n’a pas à craindre d’être écrasé par les produits de cet ordre. En revanche il trouvera suffisamment le temps de goûter les autres curiosités, joies et plaisirs de Vienne, avant que toutes les sections de notre palais soient prêtes.
Le cortège étincelant des hauts personnages qui se rendait de la Rotonde, où venait de se passer la cérémonie d’inauguration, dans les galeries principales du Palais, et qui pliait, pour ainsi dire , sous le fardeau des décorations et des broderies, n’a pas eu beaucoup de temps à perdre, je vous assuré, pour faire celle traversée. Il y avait peu d objets artistiques cl industriels qui fussent dignes d’attirer l’attention de ces augustes personnes.
Nous ne voulons pas dire par là, cependant, qu’il n’y ait beaucoup de belles choses et intéressantes, voire même des choses admirables, mais partout on est encore en train de déballer, d’arranger et d’établir des vitrines. On a donc mieux aimé, pour cette fois, passer rapidement devant ce qui existe, afin de ne pas recommencer cet examen contemplatif quelques semaines plus tard.
Les travaux de l’Exposition ont été déjà si souvent décrits, depuis leur origine, et dans tout leur développement, que nous ne croyons pas devoir revenir sur ces descriptions. Il est certain que la Rotonde, dont on a tant parlé, compte parmi les plus imposantes constructions de notre époque, et que c’est presque un miracle d’avoir fait sortir de terre, comme par enchantement, en si peu de temps, une couvre aussi gigantesque.
Les autres parties de l’édifice répondent à leur but, quoiqu’elles n’aient (point, dans le style ni dans l’exécution, le caractère provisoire qui devrait les distinguer.
Nous retournons maintenant à la description de la fête d’inauguration, telle qu’elle s’est développée d’heure en heure, depuis le matin.
DANS LES RUES.
On s'est plaint du manque de logements : ce jour-là ils étaient tous vides.
Tous les salons, les chambres et même les mansardes à bon marché étaient déserts; Vienne logeait dans les carrosses, les fiacres, et les comfortables, dans les omnibus et dans la rue.
De bon matin, le désir devoir l’Exposition universelle s'était éveillé dans chaque individu, et vers neuf heures une chaîne serrée de véhicules de chaque espèce entourait l’enceinte de la ville.
On se disputa un peu, naturellement, et sans le vouloir. Les voitures ne pouvaient pas avancer, et - ceux qui étaient dedans durent prendre leur mal en patience, s’arranger le mieux possible pour passer le temps, dans leurs véhicules respectifs, en ayant recours à leurs cigares et à leurs journaux. Or, vous pensez bien qu’il ne pouvait pas y avoir de voitures pour tout le monde, quoique la grève des cochers, dont il a été beaucoup question, eût pris fin, comme nous vous l’avons fait pressentir.
Un grand nombre d’habits noirs furent obligés, par- conséquent, de faire à pied là route qui conduit au Prater. Ceux-là d'ailleurs furent peut-être les mieux partagés, car, du moins, ils, arrivèrent à temps pour voir, commencer là fêle et trouvèrent de la place; tandis que les autres, pressés et serres à la file dans leurs voitures, n allaient en avant que peu à peu. De minute en minute le torrent grossissait et les anneaux de celte immense chaîne mouvante se resserraient davantage. Ce fut un miracle que ces innombrables voitures enchevêtrées pussent se détacher à un moment donné, surtout près de la Ferdinands-Brücke (Pont de Ferdinand).
D’un autre côté, les omnibus des tramways s’amassaient le long de la façade de la Franz-Joseph-Kasernè et formaient, avec leurs énormes masses de personnes, des barricades infranchissables. Au Prater-Stern, les voitures revenant à vide de l’Exposition devaient se soumettre à une espèce de quarantaine : pendant ce temps-là le torrent des pèlerins à pied, à cheval et en voiture roulait toujours vers le Prater, entre deux rives de curieux appartenant à toutes les classe de la société et parfaitement résignés à leur rôle de rivage.
A l’entrée du Palais se tiennent des marchands ambulants, qui vendent au public des médailles commémoratives de l’Exposition pour la modique somme de vingt kreutzers. Ce souvenir, en métal imitant l’argent, montre d’un côté le Palais de l’industrie sous la forme engageante d’un gros gâteau viennois (gugëlhopf), et au revers est représenté un segment de la Léopoldstadt — ce qui donne lieu à des allusions — puis, sont gravées des inscriptions de circonstance.
Parlerons-nous du temps qu’il faisait? Le temps a voulu être juste envers l’ancienne tradition et'a fait la part aux circonstances extraordinaires du jour. C’est-à-dire, généralement il fait froid ici le 1er jour de mai, mais aujourd’hui cela né suffisait pas, il s’agissait d’un fait extraordinaire — aussi pleuvait-il pour la circonstance.
L’ENTRÉE DE L’EXPOSITION.
Il est onze heures et demie, de nombreux équipages abordent le portail principal assiégé par tout le monde. Des carrosses armoriés et de simples voitures descendent les hôtes augustes de la résidence impériale. Ce sont MM. le baron de Tinti, conseiller de la Cour, Roktansky, ministre Banhans , comte Szechen, conseiller de la Cour Faltte, baron Suttner, ministre, colonel Horst, baron V. Burg, ministre D. Glaser, Dr. Russ, gouverneur baron Weeber, le conseiller du ministère. Leeder, l’ambassadeur hollandais le baron Heeckeren, chevalier de Tschabuschnigg, ministre baron Pretis, baron Habersen, le député baron Scharschmid, baron Hauslab, bourguemestre Dr. Felder, les ministres Dr. Unger et Dr. V. Stremayer, chef de section baron Hofmann, chef de section baron Orczy, gouverneur baron Koller, ministre baron Lasser, député Dr. Mayerhofer, ministre président prince Auersperg, comte Alfred Polocky, ministre de la guerre baron Kuhn, prince T. A. Schwarzenberg, maréchal de la Cour comte Larisch, baron Hye, prince Trauttmannsdorff, R. de Pipitz, député Danilo, le général-adjudant comte Pejacsevics, député baron Kübeck, prince Joseph Colloredo, gouverneur baron Conrad de Eybesfeld, ministre comte Andrassy en uniforme de général de la Honved, baron Konigswaster, grand majordome prince Hohenlohe, le président de la Chambre des députés baron de Hopfen, baron Hein, comte Chorinsky, baron Pratobevera, comte Frédrigotti, général de l’artillerie baron Maroicic, baron Gablenz, comte Lodron.
Immédiatement après arrivèrent les archiducs et les membres de la maison impériale. Les archiducs Karl Ludovic, Ludovic Victor, Albrecht, Wilhelm, Siegmund et Johann Salvalor, les grands-ducs de Toscane et de Modène.
Quelques minutes avant midi, des hourras de plus en plus puissants annoncèrent l’arrivée de LL. MM.
Sur un signe donné du portail d’entrée, les musiques placées au portail principal de la Rotonde entonnèrent l’hymne national.
Une voiture de gala, attelée de six chevaux superbes, dans laquelle se trouvait S. M. l’Empereur et S. M. l’impératrice, s’avança jusqu’aux marches de l’entrée, où le directeur général baron Schwarz reçut le couple impérial, au milieu des bruyantes acclamations de la foule.
S. M. l'Empereur, en uniforme de ma ré chai, aida l’impératrice à descendre do voiture et entra avec elle dans la Rotonde.
Sa Majesté, qui est une jolie jeune femme, svelte élancée, pleine de distinction, portait une délicieuse robe mauve recouverte d’une tunique en crêpe de Chine. Son paletot, de faille blanche, était garnie d’une fourrure légère, et son chapeau — un chef-d’œuvre parisien était en harmonie avec cette toilette — d’un goût exquis.
Immédiatement après le couple impérial, arrivèrent le prince héritier de Prusse et la princesse, aussi en voiture à six chevaux; puis le prince de Galles, le prince héritier de Danemark, le grand-duc d’Oldenbourg et une série d’hôtes princiers, parmi lesquels le fils aîné du prince héritier de Prusse — le prince Frédéric-Guillaume.
La dernière voilure arriva à midi et demi avec le général Neudel et sa dame. Ils avaient quitté leur hôtel à neuf heures du matin, et avaient du subir un retard de trois heures trente minutes. Le statisticien d’une correspondance locale a évalué à 6O 000 âmes la foule qui attendait en patience sous la pluie.
LE PAVILLON DE L’EMPEREUR.
Quand on parlera, dans l’histoire, de l’Exposition devienne en 1873, une chose qu’il faudra mentionner, c’est le maintien absolu du jour fixé pour l’inauguration. La prompte et rapide installation du pavillon de l’Empereur tient du prodige. Le 30 avril, la veille de l’inauguration, le tohu-bohu le plus inouï régnait encore au Prater. Et pendant une nuit un miracle s’était accompli. C’était d’abord le parquet du Salon Impérial, qui se dressait lentement, s'étendait comme une vague unie et disparaissait entièrement sous de magnifiques tapis ; les murs nus s’ornaient de tentures en papier or et brun. Le plafond a des reflets d’or qui brillent sur un fond d’ébène.
La petite partie du ciel placée au zénith du pavillon de l’Empereur devait se défaire de sa mauvaise humeur, réservée seulement aux mortels ordinaires, et prendre des allures tropicales, car autour du pavillon ont mûri pendant la nuit de hauts palmiers, des orangers surchargés de fruits et une multitude d’autres plantes exotiques.
Le salon pour les archiducs et le boudoir pour les archiduchesses, se trouvent dans la partie gauche du pavillon. Le premier possède des tentures de couleurs brodées en or et de riches meubles en bois naturel; le dernier brille par ses tentures de soie violette, avec des dentelles, et est garni de meubles en ébène, couverts de salin violet.
La chambre de l’impératrice a des tentures de satin bleu sur un fond gris; une tapisserie en soie brodée couvre le plafond. Des cheminées magnifiques en marbre de Carrare sont placées sous de splendides glaces de Venise.
Cet ensemble charmant du pavillon de l’Empereur (que le lecteur soit discret) ce merveilleux pavillon n’est que «.soufflé!» Qu’aucun attouchement trivial n’en détruise le charme, sans cela celte splendeur féérique, qu’on n’avait pas le temps de solidifier, — retomberait dans le néant. Maintenant que le pavillon a atteint l’avénement de la fête, les maîtres menuisiers et tapissiers vont l’envahir et s’occuperont de fixer sérieusement leur ouvrage.
DANS LA ROTONDE
La rotonde est audacieuse, fantastiquement grande, gigantesque et pourtant d’un effet très-puissant, à cause précisément de la simplicité de sa grandeur. Celui qui l’aurait vue avant-hier encore, à l’état de chaos, se serait signé et aurait dit un pater noster en la revoyant aujourd’hui, rayonnante dans son achèvement majestueux et prête pour la fêle. Mais c’est surtout dans la galerie, soutenue par de puissantes colonnes, que l’on jouit du plein effet de la grandeur du dôme gigantesque du Palais de l’industrie.
Des escaliers sans fin mènent aux galeries supérieures, et la galerie ronde (Rundgang), du haut, avec ses milliers de personnes qui jettent leurs regards étonnés sur le spectacle merveilleux de celte foule , cette galerie et ses milliers de personnes, paraissent en bas, à un visiteur myope, comme une ligne noire, comme une ombre énorme, à l’endroit où commence la voûte de la coupole. Ce jour-là, on voyait d’en haut nettement une sorte do carte coloriée en pleine vie, comme une grande place, sur laquelle s’agitent de gentilles marionnettes revêtues des costumes gracieux de ('Orient et de l’Occident. On a pu même compter les têtes : il y en avait onze mille en bas, et plus de mille en haut. On distinguait cinq grands groupes, séparés par des allées; tous les cinq formaient des angles obtus, appuyant leur base aux colonnes et formant une délicieuse corbeille de fleurs et de verdure, autour de la colossale fontaine française , dominant le tout. Tout près des colonnes s’était placé le beau monde des dames; puis de grandes places vides, où l’on ne remarquait rien que quelques messieurs placés en avant-garde. Ensuite le gros de la troupe des habits noirs, qui se poussaient vers le milieu pour mieux voir la phase capitale de la cérémonie. Ces masses noires étaient agréablement entrecoupées par les uniformes brillants des généraux et des magnats, par les décorations étincelantes, par les habits rouges et blancs, par les broderies d’or des diplomates, par les casques et chapeaux à plumes. Le programme prescrivait aux dames la toilette du matin, et leurs robes de soie bleue et violette offraient à l’œil des nuances très-agréables se détachant sur le fond noir, les costumes civils et la bigarrure en couleurs claires de la société guerrière de tous les pays.
Les pavillons et les sculptures qui, vus d’en bas, interrompaient l’ondulation de cette foule, formaient d’en haut les parties saillantes de l’ensemble, et les complétaient sans nuire à l’effet général.
D’un aspect’ imposant était aussi l’estrade rouge, ornée de magnifiques tapis de Vienne, qui était occupée par la cour; derrière s’élevaient des groupes colossaux en bronze et cuivre jaune, entourés de créneaux comme une forteresse.
Le Lion en bronze, représentant « la France, » semble être le puissant gardien d’une autre maison encore plus puissante, 'et toute espèce de sujets antiques servent d’ornements au piédestal.
D’ici, l’œil plane vers lé portail du sud pardessus la richesse des étoilés les plus précieuses, richement étalées, qui forment une haie pour la cour d’entrée. On voit là le mouvement des uniformes blancs, rouges et or, mais les augustes hôtes m'arrivent pas. On s’occupe de nouveau du fourmillement d’en bas. Çà et là, le ciel prépare des changements. Un rayon éclatant de soleil perce les nuages, et comme une parure de diamants brillent en bas les habits de luxe des généraux, des magnats et des dames de la Cour. Au milieu de ce magnifique tableau, commence une grande animation devant le portail; on se réunit, on s'arrange. Un uniforme brillant apparaît, encore un, un murmure joyeux traverse les rangs .- Les voici ! les voici! Voilà l’Empereur! vive l’Empereur! Hourra hoch, hoch, hourra! hourra! et toute la voûte retentit d’un bruit de tonnerre, plus fort presque que l’hymne national imposant , qui accueille le cortège de ses accents mélodieux.
ARRIVÉE DE LA COUR.
L’entrée dans la Rotonde se lit ainsi : 1 Empereur donnait le bras à la princesse héritière de Prusse, le prince héritier allemand à l’impératrice, l’archiduc Rodolphe avec le prince Frédéric-Guillaume, le fils aîné du prince impérial allemand; ils furent suivis par les archiducs Karl-Ludovic, Ludovic-Victor et le prince de Galles, le prince Arthur, le prince héritier de Danemark, le grand-duc d’Odlenbourg, le comte de Flandres, le duc de Brunswig, prince Auguste de Cobourg, Philippe et Auguste de Cobourg, prince Holstein, prince Wasa et comte de Gleichen.
La maison de l’Empereur formait la suite du cortège. L Empereur avait son uniforme de maréchal, lés archiducs les uniformes de leurs charges respectives.
Le prince héritier de Prusse portait la gorgerette des cuirassiers, le.prince de Galles, comme le prince Arthur, l’habit rouge des grenadiers anglais; l'uniforme du prince héritier danois est noir et bleu. Les dames de la cour ont pour la plupart des toilettes de matin de deux teintes; dans la toilette de l’impératrice prédomine le violet, dans celle de la princesse héritière de Prusse le rose.
Le cortège traverse la Rotonde et s’avance lentement près de l’estrade, au milieu des plus vives acclamations.
DISCOURS OFFICIEL DE L’INAUGURATION.
Après que les hauts personnages furent arrivés à l’estrade et que ces dames eurent pris place dans les fauteuils de soie rouge, S. A. I. l’Archiduc Charles-Louis s’avança vers les marches et adressa l’allocution suivante à l’Empereur :
« Sire, c’est avec des sentiments de joie que je salue Votre Majesté dans cette enceinte vouée au progrès pacifique. La participation de Votre Majesté à cette entreprise couronne une œuvre qui attire les regards du monde entier sur l’Autriche, et assure a notre patrie, le prix de la part importante qu’elle prend au développement du bien-être do l’humanité par l’instruction et le travail. Ce n’est pas à nous, qui avons été appelés par la confiance de Votre Majesté à exécuter les premiers son auguste projet, qu’il convient d’être les juges de notre propre ouvrage. Qu’il nous soit permis cependant de faire ressortir les éléments qui ont créé cette œuvre, c’est-à-dire l’auguste initiative de Votre Majesté, le concours intelligent et dévoué des forces
de notre peuple et des peuples étrangers, la puissance morale et gouvernementale du travail et de la civilisation.
« Tels sont les éléments qui donnent à l’œuvre de Votre Majesté une véritable valeur et qui transmettront votre souvenir et celui de l’œuvre aux générations futures. Que Votre très-gracieuse Majesté daigne accepter le catalogue de l’Exposition. et le compte rendu historique du progrès des Expositions, et déclarer ouverte l’Exposition universelle de 1873. »
L'empereur prit alors la parole, au milieu d’un silence imposant, et prononça l’allocution suivante :
° G est avec' une vive satisfaction que je vois 1 achèvement d’une entreprise dont j’apprécie au suprême degré l’importance. J’ai suivi, plein de confiance dans le patriotisme et les capacités de mes peuples,' dans la sympathie et l’aide des nations amies de la nôtre, les progrès de cette grande œuvre ; j’ai consacré ma bienveillance et ma reconnaissance impériales à son achèvement. — Je déclare ouverte l’Exposition universelle de cette année 1873. »
A peine ces derniers mots étaient-ils prononcés, que les fanfares résonnèrent et qu’une nouvelle salve de coups de canon se fit entendre.
Le ministre-président, prince Auersperg, a répondu au discours impérial en remerciant Leurs Majestés de la réalisation de l’Exposition en ces ternies :
« Sire, que Votre Majesté me permette de prendre la parole pour lui présenter mes très-respectueux hommages au nom du gouvernement. C’est au milieu des nombreuses difficultés qui ont éprouvé notre volonté et notre force créatrice, que 1 Exposition dont nous fêlons aujourd’hui l’ouverture est devenue une réalité. Les peuples de l’Autriche contemplent aujourd’hui avec modestie, il est vrai, mais aussi avec le sentiment de leur valeur,, l’œuvre qui témoigne delà considération toujours croissante dont jouissent leur patrie et ceux qui la gouvernent, par leur participation aux grands travaux de la civilisation.
« Le mérite de cette œuvre revient d’autant plus à Votre Majesté, que c’est Elle-même qui en a conçu l’idée fondamentale.
«L’Exposition est l’application de la maxime de Votre Majesté, qui a dit que l’union des forces constituait l’importance de l'ensemble. Les peuples de l’Autriche se groupent avec une fidélité et un dévouement patriotiques autour de leur souverain, et je ne fais qu’exprimer les sentiments qui font battre aujourd'hui tous les cœurs, en venant déposer les remerciements les plus profonds et les plus respectueux au pied du trône de Votre Majesté. »
Enfin, le bourgmestre de Vienne, M. le docteur Felder, a remercié à son tour l’Empereur au nom de la capitale :
« Sire, il y a près de vingt-cinq ans que Votre Majesté, assise sur le trône de ses augustes aïeux, tient dans la main le sceptre de l’empire d’Autriche.
« Tous les peuples autrichiens constatent avec reconnaissance que, dans cet espace de temps, la commune a obtenu son autonomie; que, sous le règne de Votre Majesté, Vienne s’est développée avec une rapidité imprévue et est devenue une des villes les plus importantes du monde. La résolution prise par Votre Majesté de faire raser les murs de la ville prouvent votre soin généreux et votre munificence, qui ont donné le jour à des œuvres grandioses, consacrées dans tous les sens au bien-être commun, qui témoignent des efforts énergiques du présent et attesteront dans les siècles futurs des bienfaits du règne de Votre Majesté. En ce moment solennel, Votre Majesté donne la consécration suprême à une entreprise dont le noble but est de montrer ce que peuvent, dans toutes les parties du monde, le génie, la volonté, la science et l’art des hommes, afin que le progrès, les inventions et l’industrie deviennent le bien commun de l’humanité, grâce aux bienfaits do la paix universelle. La noble entreprise de Votre Majesté fera rendre dans l’histoire de la civilisation un perpétuel hommage à l’Autriche.
« Toujours fidèlement dévouée et attachée à la dynastie impériale, Vienne se sent aujourd’hui plus fière que jamais d’accueillir comme ses hôtes les visiteurs de toutes les parties du monde. De tous les cœurs parlent ces cris de reconnaissance : « Que Dieu bénisse, que Dieu protège, que Dieu conserve Votre Majesté ! Vive notre Empereur François-Joseph ! Vive l'Empereur! »
Après l'allocution du bourgmestre, les sociétés d’orpbéonistes, dirigées par le chef d’orchestre de l’Opéra, ont entonné la cantate composée par Joseph Weilen, sur l’air du chant de victoire de Judas Machabée.
Des cris enthousiastes de: Vive l'Empereur-roi! vive l’impératrice! vive la Famille impériale! ont répondu aux dernières paroles de M. Felder.
Cependant les commissaires des différentes sections se sont rendus à leurs postes respectifs, au transsept du Palais de l’industrie, pour y attendre Leurs Majestés, qui ont parcouru l’Exposition sous' la conduite de l’archiduc Charles,- précédé du baron Schwartz, du ministre du commerce, des président et vice-président, en traversant successivement, les transepts occidental et oriental du Palais. Les princes étrangers, les ministres et les hauts personnages invités suivaient l’Empereur et l’impératrice.
Après une assez longue visite dans les différentes sections, le cortège impérial est revenu à son point de départ, et au moment où il quittait le Parc de l’Exposition pour se rendre au pavillon de la cour, une troisième salve d’artillerie a annoncé la fin de cette brillante solennité.
Inauguration de l'Exposition
Le grand acte solennel dont la date était fixée au 1er mai 1873, sur l’almanach, et qui était attendu des optimistes depuis des mois, avec une foi robuste, tandis que les pessimistes doutaient encore, le grand acte s’est enfin accompli et l’Exposition universelle de Vienne est officiellement ouverte.
Donc, à midi, le premier jour de mai, l’Exposition universelle de Vienne a été inaugurée par Sa Majesté l'Empereur François-Joseph. Le monarque était entouré d’un cercle d’hôtes illustres, parmi lesquels nous avons remarqué le Prince Impérial Allemand et le Prince de Galles, les héritiers probables de deux couronnes des plus puissantes de l’Europe. La fête avait lieu avec un éclat qui répondait à la solennité du moment et en présence d’une foule de peuple énorme.
Nous pourrions entonner, un hymne de louanges bien sonnant, si nous avions un sujet plus favorable que celui qui se présente à nous, c’est à dire au lieu des édifices incomplets de l’Exposition, sorte de coquilles sans rien dedans, un bon noyau bien mûr et pouvant être goûté. Car le noyau lui-même, l’Exposition, n’a pu contenter personne, le jour de l’inauguration : celle ouverture était comme le cassement d’une noix qui n’est pas encore mûre et qui aurait besoin de quelques semaines pour être mangeable.
Dès lors, les optimistes aussi bien que les pessimistes ont eu raison aujourd’hui, pour ce qui concerne l'objet principal, et le visiteur accouru de loin pour faire ici des études industrielles, n’a pas à craindre d’être écrasé par les produits de cet ordre. En revanche il trouvera suffisamment le temps de goûter les autres curiosités, joies et plaisirs de Vienne, avant que toutes les sections de notre palais soient prêtes.
Le cortège étincelant des hauts personnages qui se rendait de la Rotonde, où venait de se passer la cérémonie d’inauguration, dans les galeries principales du Palais, et qui pliait, pour ainsi dire , sous le fardeau des décorations et des broderies, n’a pas eu beaucoup de temps à perdre, je vous assuré, pour faire celle traversée. Il y avait peu d objets artistiques cl industriels qui fussent dignes d’attirer l’attention de ces augustes personnes.
Nous ne voulons pas dire par là, cependant, qu’il n’y ait beaucoup de belles choses et intéressantes, voire même des choses admirables, mais partout on est encore en train de déballer, d’arranger et d’établir des vitrines. On a donc mieux aimé, pour cette fois, passer rapidement devant ce qui existe, afin de ne pas recommencer cet examen contemplatif quelques semaines plus tard.
Les travaux de l’Exposition ont été déjà si souvent décrits, depuis leur origine, et dans tout leur développement, que nous ne croyons pas devoir revenir sur ces descriptions. Il est certain que la Rotonde, dont on a tant parlé, compte parmi les plus imposantes constructions de notre époque, et que c’est presque un miracle d’avoir fait sortir de terre, comme par enchantement, en si peu de temps, une couvre aussi gigantesque.
Les autres parties de l’édifice répondent à leur but, quoiqu’elles n’aient (point, dans le style ni dans l’exécution, le caractère provisoire qui devrait les distinguer.
Nous retournons maintenant à la description de la fête d’inauguration, telle qu’elle s’est développée d’heure en heure, depuis le matin.
DANS LES RUES.
On s'est plaint du manque de logements : ce jour-là ils étaient tous vides.
Tous les salons, les chambres et même les mansardes à bon marché étaient déserts; Vienne logeait dans les carrosses, les fiacres, et les comfortables, dans les omnibus et dans la rue.
De bon matin, le désir devoir l’Exposition universelle s'était éveillé dans chaque individu, et vers neuf heures une chaîne serrée de véhicules de chaque espèce entourait l’enceinte de la ville.
On se disputa un peu, naturellement, et sans le vouloir. Les voitures ne pouvaient pas avancer, et - ceux qui étaient dedans durent prendre leur mal en patience, s’arranger le mieux possible pour passer le temps, dans leurs véhicules respectifs, en ayant recours à leurs cigares et à leurs journaux. Or, vous pensez bien qu’il ne pouvait pas y avoir de voitures pour tout le monde, quoique la grève des cochers, dont il a été beaucoup question, eût pris fin, comme nous vous l’avons fait pressentir.
Un grand nombre d’habits noirs furent obligés, par- conséquent, de faire à pied là route qui conduit au Prater. Ceux-là d'ailleurs furent peut-être les mieux partagés, car, du moins, ils, arrivèrent à temps pour voir, commencer là fêle et trouvèrent de la place; tandis que les autres, pressés et serres à la file dans leurs voitures, n allaient en avant que peu à peu. De minute en minute le torrent grossissait et les anneaux de celte immense chaîne mouvante se resserraient davantage. Ce fut un miracle que ces innombrables voitures enchevêtrées pussent se détacher à un moment donné, surtout près de la Ferdinands-Brücke (Pont de Ferdinand).
D’un autre côté, les omnibus des tramways s’amassaient le long de la façade de la Franz-Joseph-Kasernè et formaient, avec leurs énormes masses de personnes, des barricades infranchissables. Au Prater-Stern, les voitures revenant à vide de l’Exposition devaient se soumettre à une espèce de quarantaine : pendant ce temps-là le torrent des pèlerins à pied, à cheval et en voiture roulait toujours vers le Prater, entre deux rives de curieux appartenant à toutes les classe de la société et parfaitement résignés à leur rôle de rivage.
A l’entrée du Palais se tiennent des marchands ambulants, qui vendent au public des médailles commémoratives de l’Exposition pour la modique somme de vingt kreutzers. Ce souvenir, en métal imitant l’argent, montre d’un côté le Palais de l’industrie sous la forme engageante d’un gros gâteau viennois (gugëlhopf), et au revers est représenté un segment de la Léopoldstadt — ce qui donne lieu à des allusions — puis, sont gravées des inscriptions de circonstance.
Parlerons-nous du temps qu’il faisait? Le temps a voulu être juste envers l’ancienne tradition et'a fait la part aux circonstances extraordinaires du jour. C’est-à-dire, généralement il fait froid ici le 1er jour de mai, mais aujourd’hui cela né suffisait pas, il s’agissait d’un fait extraordinaire — aussi pleuvait-il pour la circonstance.
L’ENTRÉE DE L’EXPOSITION.
Il est onze heures et demie, de nombreux équipages abordent le portail principal assiégé par tout le monde. Des carrosses armoriés et de simples voitures descendent les hôtes augustes de la résidence impériale. Ce sont MM. le baron de Tinti, conseiller de la Cour, Roktansky, ministre Banhans , comte Szechen, conseiller de la Cour Faltte, baron Suttner, ministre, colonel Horst, baron V. Burg, ministre D. Glaser, Dr. Russ, gouverneur baron Weeber, le conseiller du ministère. Leeder, l’ambassadeur hollandais le baron Heeckeren, chevalier de Tschabuschnigg, ministre baron Pretis, baron Habersen, le député baron Scharschmid, baron Hauslab, bourguemestre Dr. Felder, les ministres Dr. Unger et Dr. V. Stremayer, chef de section baron Hofmann, chef de section baron Orczy, gouverneur baron Koller, ministre baron Lasser, député Dr. Mayerhofer, ministre président prince Auersperg, comte Alfred Polocky, ministre de la guerre baron Kuhn, prince T. A. Schwarzenberg, maréchal de la Cour comte Larisch, baron Hye, prince Trauttmannsdorff, R. de Pipitz, député Danilo, le général-adjudant comte Pejacsevics, député baron Kübeck, prince Joseph Colloredo, gouverneur baron Conrad de Eybesfeld, ministre comte Andrassy en uniforme de général de la Honved, baron Konigswaster, grand majordome prince Hohenlohe, le président de la Chambre des députés baron de Hopfen, baron Hein, comte Chorinsky, baron Pratobevera, comte Frédrigotti, général de l’artillerie baron Maroicic, baron Gablenz, comte Lodron.
Immédiatement après arrivèrent les archiducs et les membres de la maison impériale. Les archiducs Karl Ludovic, Ludovic Victor, Albrecht, Wilhelm, Siegmund et Johann Salvalor, les grands-ducs de Toscane et de Modène.
Quelques minutes avant midi, des hourras de plus en plus puissants annoncèrent l’arrivée de LL. MM.
Sur un signe donné du portail d’entrée, les musiques placées au portail principal de la Rotonde entonnèrent l’hymne national.
Une voiture de gala, attelée de six chevaux superbes, dans laquelle se trouvait S. M. l’Empereur et S. M. l’impératrice, s’avança jusqu’aux marches de l’entrée, où le directeur général baron Schwarz reçut le couple impérial, au milieu des bruyantes acclamations de la foule.
S. M. l'Empereur, en uniforme de ma ré chai, aida l’impératrice à descendre do voiture et entra avec elle dans la Rotonde.
Sa Majesté, qui est une jolie jeune femme, svelte élancée, pleine de distinction, portait une délicieuse robe mauve recouverte d’une tunique en crêpe de Chine. Son paletot, de faille blanche, était garnie d’une fourrure légère, et son chapeau — un chef-d’œuvre parisien était en harmonie avec cette toilette — d’un goût exquis.
Immédiatement après le couple impérial, arrivèrent le prince héritier de Prusse et la princesse, aussi en voiture à six chevaux; puis le prince de Galles, le prince héritier de Danemark, le grand-duc d’Oldenbourg et une série d’hôtes princiers, parmi lesquels le fils aîné du prince héritier de Prusse — le prince Frédéric-Guillaume.
La dernière voilure arriva à midi et demi avec le général Neudel et sa dame. Ils avaient quitté leur hôtel à neuf heures du matin, et avaient du subir un retard de trois heures trente minutes. Le statisticien d’une correspondance locale a évalué à 6O 000 âmes la foule qui attendait en patience sous la pluie.
LE PAVILLON DE L’EMPEREUR.
Quand on parlera, dans l’histoire, de l’Exposition devienne en 1873, une chose qu’il faudra mentionner, c’est le maintien absolu du jour fixé pour l’inauguration. La prompte et rapide installation du pavillon de l’Empereur tient du prodige. Le 30 avril, la veille de l’inauguration, le tohu-bohu le plus inouï régnait encore au Prater. Et pendant une nuit un miracle s’était accompli. C’était d’abord le parquet du Salon Impérial, qui se dressait lentement, s'étendait comme une vague unie et disparaissait entièrement sous de magnifiques tapis ; les murs nus s’ornaient de tentures en papier or et brun. Le plafond a des reflets d’or qui brillent sur un fond d’ébène.
La petite partie du ciel placée au zénith du pavillon de l’Empereur devait se défaire de sa mauvaise humeur, réservée seulement aux mortels ordinaires, et prendre des allures tropicales, car autour du pavillon ont mûri pendant la nuit de hauts palmiers, des orangers surchargés de fruits et une multitude d’autres plantes exotiques.
Le salon pour les archiducs et le boudoir pour les archiduchesses, se trouvent dans la partie gauche du pavillon. Le premier possède des tentures de couleurs brodées en or et de riches meubles en bois naturel; le dernier brille par ses tentures de soie violette, avec des dentelles, et est garni de meubles en ébène, couverts de salin violet.
La chambre de l’impératrice a des tentures de satin bleu sur un fond gris; une tapisserie en soie brodée couvre le plafond. Des cheminées magnifiques en marbre de Carrare sont placées sous de splendides glaces de Venise.
Cet ensemble charmant du pavillon de l’Empereur (que le lecteur soit discret) ce merveilleux pavillon n’est que «.soufflé!» Qu’aucun attouchement trivial n’en détruise le charme, sans cela celte splendeur féérique, qu’on n’avait pas le temps de solidifier, — retomberait dans le néant. Maintenant que le pavillon a atteint l’avénement de la fête, les maîtres menuisiers et tapissiers vont l’envahir et s’occuperont de fixer sérieusement leur ouvrage.
DANS LA ROTONDE
La rotonde est audacieuse, fantastiquement grande, gigantesque et pourtant d’un effet très-puissant, à cause précisément de la simplicité de sa grandeur. Celui qui l’aurait vue avant-hier encore, à l’état de chaos, se serait signé et aurait dit un pater noster en la revoyant aujourd’hui, rayonnante dans son achèvement majestueux et prête pour la fêle. Mais c’est surtout dans la galerie, soutenue par de puissantes colonnes, que l’on jouit du plein effet de la grandeur du dôme gigantesque du Palais de l’industrie.
Des escaliers sans fin mènent aux galeries supérieures, et la galerie ronde (Rundgang), du haut, avec ses milliers de personnes qui jettent leurs regards étonnés sur le spectacle merveilleux de celte foule , cette galerie et ses milliers de personnes, paraissent en bas, à un visiteur myope, comme une ligne noire, comme une ombre énorme, à l’endroit où commence la voûte de la coupole. Ce jour-là, on voyait d’en haut nettement une sorte do carte coloriée en pleine vie, comme une grande place, sur laquelle s’agitent de gentilles marionnettes revêtues des costumes gracieux de ('Orient et de l’Occident. On a pu même compter les têtes : il y en avait onze mille en bas, et plus de mille en haut. On distinguait cinq grands groupes, séparés par des allées; tous les cinq formaient des angles obtus, appuyant leur base aux colonnes et formant une délicieuse corbeille de fleurs et de verdure, autour de la colossale fontaine française , dominant le tout. Tout près des colonnes s’était placé le beau monde des dames; puis de grandes places vides, où l’on ne remarquait rien que quelques messieurs placés en avant-garde. Ensuite le gros de la troupe des habits noirs, qui se poussaient vers le milieu pour mieux voir la phase capitale de la cérémonie. Ces masses noires étaient agréablement entrecoupées par les uniformes brillants des généraux et des magnats, par les décorations étincelantes, par les habits rouges et blancs, par les broderies d’or des diplomates, par les casques et chapeaux à plumes. Le programme prescrivait aux dames la toilette du matin, et leurs robes de soie bleue et violette offraient à l’œil des nuances très-agréables se détachant sur le fond noir, les costumes civils et la bigarrure en couleurs claires de la société guerrière de tous les pays.
Les pavillons et les sculptures qui, vus d’en bas, interrompaient l’ondulation de cette foule, formaient d’en haut les parties saillantes de l’ensemble, et les complétaient sans nuire à l’effet général.
D’un aspect’ imposant était aussi l’estrade rouge, ornée de magnifiques tapis de Vienne, qui était occupée par la cour; derrière s’élevaient des groupes colossaux en bronze et cuivre jaune, entourés de créneaux comme une forteresse.
Le Lion en bronze, représentant « la France, » semble être le puissant gardien d’une autre maison encore plus puissante, 'et toute espèce de sujets antiques servent d’ornements au piédestal.
D’ici, l’œil plane vers lé portail du sud pardessus la richesse des étoilés les plus précieuses, richement étalées, qui forment une haie pour la cour d’entrée. On voit là le mouvement des uniformes blancs, rouges et or, mais les augustes hôtes m'arrivent pas. On s’occupe de nouveau du fourmillement d’en bas. Çà et là, le ciel prépare des changements. Un rayon éclatant de soleil perce les nuages, et comme une parure de diamants brillent en bas les habits de luxe des généraux, des magnats et des dames de la Cour. Au milieu de ce magnifique tableau, commence une grande animation devant le portail; on se réunit, on s'arrange. Un uniforme brillant apparaît, encore un, un murmure joyeux traverse les rangs .- Les voici ! les voici! Voilà l’Empereur! vive l’Empereur! Hourra hoch, hoch, hourra! hourra! et toute la voûte retentit d’un bruit de tonnerre, plus fort presque que l’hymne national imposant , qui accueille le cortège de ses accents mélodieux.
ARRIVÉE DE LA COUR.
L’entrée dans la Rotonde se lit ainsi : 1 Empereur donnait le bras à la princesse héritière de Prusse, le prince héritier allemand à l’impératrice, l’archiduc Rodolphe avec le prince Frédéric-Guillaume, le fils aîné du prince impérial allemand; ils furent suivis par les archiducs Karl-Ludovic, Ludovic-Victor et le prince de Galles, le prince Arthur, le prince héritier de Danemark, le grand-duc d’Odlenbourg, le comte de Flandres, le duc de Brunswig, prince Auguste de Cobourg, Philippe et Auguste de Cobourg, prince Holstein, prince Wasa et comte de Gleichen.
La maison de l’Empereur formait la suite du cortège. L Empereur avait son uniforme de maréchal, lés archiducs les uniformes de leurs charges respectives.
Le prince héritier de Prusse portait la gorgerette des cuirassiers, le.prince de Galles, comme le prince Arthur, l’habit rouge des grenadiers anglais; l'uniforme du prince héritier danois est noir et bleu. Les dames de la cour ont pour la plupart des toilettes de matin de deux teintes; dans la toilette de l’impératrice prédomine le violet, dans celle de la princesse héritière de Prusse le rose.
Le cortège traverse la Rotonde et s’avance lentement près de l’estrade, au milieu des plus vives acclamations.
DISCOURS OFFICIEL DE L’INAUGURATION.
Après que les hauts personnages furent arrivés à l’estrade et que ces dames eurent pris place dans les fauteuils de soie rouge, S. A. I. l’Archiduc Charles-Louis s’avança vers les marches et adressa l’allocution suivante à l’Empereur :
« Sire, c’est avec des sentiments de joie que je salue Votre Majesté dans cette enceinte vouée au progrès pacifique. La participation de Votre Majesté à cette entreprise couronne une œuvre qui attire les regards du monde entier sur l’Autriche, et assure a notre patrie, le prix de la part importante qu’elle prend au développement du bien-être do l’humanité par l’instruction et le travail. Ce n’est pas à nous, qui avons été appelés par la confiance de Votre Majesté à exécuter les premiers son auguste projet, qu’il convient d’être les juges de notre propre ouvrage. Qu’il nous soit permis cependant de faire ressortir les éléments qui ont créé cette œuvre, c’est-à-dire l’auguste initiative de Votre Majesté, le concours intelligent et dévoué des forces
de notre peuple et des peuples étrangers, la puissance morale et gouvernementale du travail et de la civilisation.
« Tels sont les éléments qui donnent à l’œuvre de Votre Majesté une véritable valeur et qui transmettront votre souvenir et celui de l’œuvre aux générations futures. Que Votre très-gracieuse Majesté daigne accepter le catalogue de l’Exposition. et le compte rendu historique du progrès des Expositions, et déclarer ouverte l’Exposition universelle de 1873. »
L'empereur prit alors la parole, au milieu d’un silence imposant, et prononça l’allocution suivante :
° G est avec' une vive satisfaction que je vois 1 achèvement d’une entreprise dont j’apprécie au suprême degré l’importance. J’ai suivi, plein de confiance dans le patriotisme et les capacités de mes peuples,' dans la sympathie et l’aide des nations amies de la nôtre, les progrès de cette grande œuvre ; j’ai consacré ma bienveillance et ma reconnaissance impériales à son achèvement. — Je déclare ouverte l’Exposition universelle de cette année 1873. »
A peine ces derniers mots étaient-ils prononcés, que les fanfares résonnèrent et qu’une nouvelle salve de coups de canon se fit entendre.
Le ministre-président, prince Auersperg, a répondu au discours impérial en remerciant Leurs Majestés de la réalisation de l’Exposition en ces ternies :
« Sire, que Votre Majesté me permette de prendre la parole pour lui présenter mes très-respectueux hommages au nom du gouvernement. C’est au milieu des nombreuses difficultés qui ont éprouvé notre volonté et notre force créatrice, que 1 Exposition dont nous fêlons aujourd’hui l’ouverture est devenue une réalité. Les peuples de l’Autriche contemplent aujourd’hui avec modestie, il est vrai, mais aussi avec le sentiment de leur valeur,, l’œuvre qui témoigne delà considération toujours croissante dont jouissent leur patrie et ceux qui la gouvernent, par leur participation aux grands travaux de la civilisation.
« Le mérite de cette œuvre revient d’autant plus à Votre Majesté, que c’est Elle-même qui en a conçu l’idée fondamentale.
«L’Exposition est l’application de la maxime de Votre Majesté, qui a dit que l’union des forces constituait l’importance de l'ensemble. Les peuples de l’Autriche se groupent avec une fidélité et un dévouement patriotiques autour de leur souverain, et je ne fais qu’exprimer les sentiments qui font battre aujourd'hui tous les cœurs, en venant déposer les remerciements les plus profonds et les plus respectueux au pied du trône de Votre Majesté. »
Enfin, le bourgmestre de Vienne, M. le docteur Felder, a remercié à son tour l’Empereur au nom de la capitale :
« Sire, il y a près de vingt-cinq ans que Votre Majesté, assise sur le trône de ses augustes aïeux, tient dans la main le sceptre de l’empire d’Autriche.
« Tous les peuples autrichiens constatent avec reconnaissance que, dans cet espace de temps, la commune a obtenu son autonomie; que, sous le règne de Votre Majesté, Vienne s’est développée avec une rapidité imprévue et est devenue une des villes les plus importantes du monde. La résolution prise par Votre Majesté de faire raser les murs de la ville prouvent votre soin généreux et votre munificence, qui ont donné le jour à des œuvres grandioses, consacrées dans tous les sens au bien-être commun, qui témoignent des efforts énergiques du présent et attesteront dans les siècles futurs des bienfaits du règne de Votre Majesté. En ce moment solennel, Votre Majesté donne la consécration suprême à une entreprise dont le noble but est de montrer ce que peuvent, dans toutes les parties du monde, le génie, la volonté, la science et l’art des hommes, afin que le progrès, les inventions et l’industrie deviennent le bien commun de l’humanité, grâce aux bienfaits do la paix universelle. La noble entreprise de Votre Majesté fera rendre dans l’histoire de la civilisation un perpétuel hommage à l’Autriche.
« Toujours fidèlement dévouée et attachée à la dynastie impériale, Vienne se sent aujourd’hui plus fière que jamais d’accueillir comme ses hôtes les visiteurs de toutes les parties du monde. De tous les cœurs parlent ces cris de reconnaissance : « Que Dieu bénisse, que Dieu protège, que Dieu conserve Votre Majesté ! Vive notre Empereur François-Joseph ! Vive l'Empereur! »
Après l'allocution du bourgmestre, les sociétés d’orpbéonistes, dirigées par le chef d’orchestre de l’Opéra, ont entonné la cantate composée par Joseph Weilen, sur l’air du chant de victoire de Judas Machabée.
Des cris enthousiastes de: Vive l'Empereur-roi! vive l’impératrice! vive la Famille impériale! ont répondu aux dernières paroles de M. Felder.
Cependant les commissaires des différentes sections se sont rendus à leurs postes respectifs, au transsept du Palais de l’industrie, pour y attendre Leurs Majestés, qui ont parcouru l’Exposition sous' la conduite de l’archiduc Charles,- précédé du baron Schwartz, du ministre du commerce, des président et vice-président, en traversant successivement, les transepts occidental et oriental du Palais. Les princes étrangers, les ministres et les hauts personnages invités suivaient l’Empereur et l’impératrice.
Après une assez longue visite dans les différentes sections, le cortège impérial est revenu à son point de départ, et au moment où il quittait le Parc de l’Exposition pour se rendre au pavillon de la cour, une troisième salve d’artillerie a annoncé la fin de cette brillante solennité.