Texte et illustration de la revue "L'Exposition Illustrée" de 1900
Lorsqu’on a franchi la Porte Monumentale, on trouve, dans son axe, l'entrée d’une superbe avenue, bordée d’arbres et de jardins, qui se prolonge jusqu’au pont des Invalides. On a la sensation d’un parc vaste, ombreux, agréable, s'étendant à droite jusqu’à l’avenue dés Champs-Elysées, à gauche jusqu'aux berges de la Seine.
Les grandes allées de marronniers alternent avec des pelouses et des corbeilles de fleurs.
Mais, prenez-y bien garde. Il ne s’agit pas seulement ici de jardins officiels.
L’Administration a eu la très heureuse idée de convier les innombrables exposants horticulteurs, jardiniers-fleuristes et pépiniéristes qui se plaignaient de exiguité des palais construits par eux — à parer les massifs et les corbeilles des Champs-Elysées des produits qu'ils destinent à l’Exposition. Il en résulte que ces jardins constituent en réalité un prolongement en plein air des sections de l'horticulture et de l’arboriculture.
Malgré cette collaboration, l’Administration a dû faire d’importants emprunts aux réserves dont dispose la Ville de Paris au Parc des Princes, à Longchamp, et a Auteuil. Les serres de la Ville ont également été mises a contribution.
Encore ce contingent a-t-il été insuffisant et a-t-il fallu faire des achats considérables aux pépiniéristes des environs de Paris et de la Côte d'Azur. Aussi plus de cinq cents espèces différentes d’arbres et d’arbustes, plus de cent espèces et variétés de plantes grimpantes ornent-elles les jardins del Exposition.
Quant aux plantes ornementales à fleurs, elles seront renouvelées deux fois. Outre la garniture du printemps qui comprend cinquante espèces, il y aura la garniture d’été qui en comprend cent vingt. En tout, cinquante à cent mille plantes seront employées à la décoration des parterres.
Les jardins des Champs-Elysées sont de pures merveilles. Les jardiniers français se sont piqués d'honneur, et ont étudié avec opiniâtreté et avec soin les terrains, les éclairages, les températures, afin d’opérer des choix judicieux. Artistes humbles et passionnés, ils ont voulu faire revivre les traditions du grand siècle. Un Le Nôtre ou un La Quintinie ne renieraient point les tracés de leurs parterres.
Doucement vallonnés, coupés d’allées soigneusement sablées et de petits sentiers, où des arbres majestueux, des bambous verts, des seringas, des lilas blancs, d'autres élégants et légers arbustes exotiques aux feuillages fins et frais, des trembles argentés, des hètres de Californie, des paulownias, versent leur ombre douce, ils constituent un lieu de repos délicieux.
Çà et là, on télé ménagés des bassins d’où s’élancent en gerbes jaillissantes de minces jets d’eau aux multiples combinaisons. Il y a surtout un petit coin, du côté de l'avenue d'Antin, qui rappelle par son heureuse décoration, ses proportions harmonieuses, les plus jolis bosquets du parc de Versailles. Quelques beaux arbres de l’ancien « Jardin de Paris » étaient mémo on si bon étal qu’il a fallu les ébrancher pour que la façade latérale du Grand Palais ne disparût pas entièrement derrière un épais rideau de feuillage.
Au sein de la verdure, sur la droite, s élèvent les dômes des deux superbes Palais des Beaux-Arts.
Lors du concours ouvert pour les projets du plan général de l’Exposition de 1900, plusieurs concurrents émirent l’idée — idée qui fut immédiatement adoptée — de supprimer le Palais de l'Industrie pour donner place à une avenue prolongeant le pont Alexandre III sur la rive droite et débouchant sur les Champs-Elysées. En façade sur la nouvelle avenue se dresseraient deux palais de dimensions proportionnées aux emplacements dont on disposerait à droite et à gauche. C’est en exécution de ce projet qu'ont été élevés les deux édifices désignés respectivement, d’après leurs proportions, sous les noms de Grand Palais et de Petit Palais.
Comme ils sont destinés à survivre à l’Exposition et à remplacer l’ancien Palais de 1 Industrie pour tous les usages auxquels celui-ci était affecté, leur architecture a été tout particulièrement soignée, de mémo que leur construction, qui peut défier les assauts du temps.
Les jardins
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Re: Les jardins
Texte de la revue "L'Exposition Illustrée" de 1900
Les Jardins de l’Esplanade.
En venant des Champs-Elysées par le.pont Alexandre III, les visiteurs débouchent dans les jardins situés à l'entrée de l’Esplanade des Invalides, au-dessus du tablier métallique qui recouvre la nouvelle gare souterraine de l’Ouest.
Six petits jardins français, trois à droite et trois à gauche de l’avenue centrale, occupent un espace libre qui en triple la largeur, puisqu'il n’a pas moins de 90 mètres sur environ 100 mètres de profondeur.
Cet emplacement, admirablement choisi, au pied même des grands palais, est attribué aux rosiéristes. Depuis des années, ceux-ci travaillent avec acharnement à améliorer certaines sortes; —à créer, devrait-on dire. Aussi l’Exposition a-t-elle vu éclore une certaine rose violette, véritable triomphe pour les jardiniers français qui fait sensation dans le monde des horticulteurs.
C’est avec un goût merveilleux que nos jardiniers artistes ont décoré cet emplacement, pour lequel les serres de la ville de Paris ont également été mises à contribution.
La décoration végétale est complétée par les grands arbres qui déploient les belles nappes de leur feuillage en bordure de l’esplanade.
Le pourtour des jardins est occupé des deux côtés parles Palais des Manufactures nationales.
Au delà, l'allée centrale se prolonge perpendiculairement à la Seine, d’un bout a l'autre de l'Esplanade, sur une largeur de 33 mètres, bordée à droite et à gauche de deux lignes de palais, et laissant intacte la magnifique perspective des Invalides, du moins dans la partie centrale, car les ailes se trouvent forcément masquées.
Les Jardins de l’Esplanade.
En venant des Champs-Elysées par le.pont Alexandre III, les visiteurs débouchent dans les jardins situés à l'entrée de l’Esplanade des Invalides, au-dessus du tablier métallique qui recouvre la nouvelle gare souterraine de l’Ouest.
Six petits jardins français, trois à droite et trois à gauche de l’avenue centrale, occupent un espace libre qui en triple la largeur, puisqu'il n’a pas moins de 90 mètres sur environ 100 mètres de profondeur.
Cet emplacement, admirablement choisi, au pied même des grands palais, est attribué aux rosiéristes. Depuis des années, ceux-ci travaillent avec acharnement à améliorer certaines sortes; —à créer, devrait-on dire. Aussi l’Exposition a-t-elle vu éclore une certaine rose violette, véritable triomphe pour les jardiniers français qui fait sensation dans le monde des horticulteurs.
C’est avec un goût merveilleux que nos jardiniers artistes ont décoré cet emplacement, pour lequel les serres de la ville de Paris ont également été mises à contribution.
La décoration végétale est complétée par les grands arbres qui déploient les belles nappes de leur feuillage en bordure de l’esplanade.
Le pourtour des jardins est occupé des deux côtés parles Palais des Manufactures nationales.
Au delà, l'allée centrale se prolonge perpendiculairement à la Seine, d’un bout a l'autre de l'Esplanade, sur une largeur de 33 mètres, bordée à droite et à gauche de deux lignes de palais, et laissant intacte la magnifique perspective des Invalides, du moins dans la partie centrale, car les ailes se trouvent forcément masquées.
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Re: Les jardins
Article extrait du magazine "A l'Exposition" de 1900
Une des choses que les étrangers admirent le plus à l’Exposition, ce sont les jardins. Un goût ingénieux et délicat a présidé à l’arrangement des allées qui relient les unes aux autres les diverses parties de cette ville merveilleuse et lui donnent une unité générale; à la répartition des massifs verdoyants qui encadrent la blancheur des palais et en soutiennent la perspective; à la décoration des corbeilles et des plates-bandes qui mettent partout une parure de fête.
M. Jules Vacherot
Directeur des Parcs et Jardins de l'Exposition
Au hasard de leurs promenades les visiteurs se laissent charmer par l’harmonieuse variété, le coloris et les parfums du décor, sans se rendre compte des difficultés qu’ont présentées sa création et son entretien. Les jardins du Champ de Mars ont une superficie d environ 4 hectares, ceux du Trocadéro couvrent 3 hectares, et ceux des Champs-Elysées 3 hectares 40 ares; c’est donc une étendue de plus de 10 hectares qu’il a fallu ensemencer et planter, avec symétrie pour bien faire ressortir la régularité des lignes architecturales ; avec fantaisie aussi pour ne pas fatiguer la vue des promeneurs et se conformer à la diversité de style des palais; avec solidité enfin pour résister, les jours de fête, aux brutalités et au piétinement de la foule. Sur l'Esplanade des Invalides, au Cours-la-Reine, il fallait respecter les quinconces et les alignements d’arbres déjà existants; au Champ de Mars, il fallait éviter qu’en dépassant une certaine élévation, les massifs d’arbustes ne masquassent le Palais de l’Electricité ; au Trocadéro, il fallait, sans employer de variétés coûteuses et fragiles, donner aux plantations une apparence exotique; un peu partout, il fallait abandonner du terrain aux exposants horticulteurs, trop à l’étroit dans les emplacements qui primitivement leur avaient été réservés... Et les accidents, les modifications imprévues apportées aux plans au dernier moment! L’obligation soudaine, par exemple, de trouver une place sur les berges de la Seine aux serres, qui, d'abord, devaient s’élever dans l’annexe de Vincennes... Si l’on considère tout ce que l’organisation des parcs de l’Exposition a demandé de labeur, d’adresse, d’ingéniosité et dégoût, les conditions diverses, parfois même contraires, imposées au jardinier en chef et la modicité relative des crédits mis à sa disposition, le résultat obtenu apparaît comme un prodigieux tour de force.
Voyez-vous cette silhouette trapue, qui file, rapide, à travers les jardins de l’Exposition, donnant un ordre bref à droite, faisant une observation vive à gauche; voyez-vous cet homme, à la redingote grise, qui trouve le moyen d’être en même temps aux Champs-Elysées et au Champ de Mars, eh bien, c’est le jardinier en chef de cette merveille fin de siècle, c’est M. Jules Vacherot, le précieux collaborateur de M. Alfred Picard.
C’est à lui que nous devons les splendides parcs et jardins de l’Exposition.
M. Jules Vacherot est le fils de ses oeuvres. Né à Jussey (Haute-Saône), le 10 septembre 1862, à deux ans et demi son père l’emmenait en Amérique, où il restait jusqu’à l’âge de treize ans et demi, vivant au milieu des immenses plantations de coton et de cannes à sucre de l’Alabama. Cinq cents noirs travaillaient sous les ordres de M. Vacherot père, lequel eut le premier l’honneur d’associer ses modestes collaborateurs aux bénéfices de ses plantations.
De retour en France, en 1876, M. Jules Vacherot qui avait travaillé l’horticulture en Amérique, se prit de passion pour le jardinage et se fit admettre à l’Ecole des Beaux-Arts, où il resta cinq années, après lesquelles il entra dans les services de la ville de Paris, comme architecte paysagiste, puis comme conducteur des travaux de jardinage.
L’Exposition Universelle de 1889 devait le faire sortir des rangs. M. Alphand, qui se connaissait en hommes, ne tarda pas à distinguer M. Jules Vacherot. Conducteur principal pour l’établissement des parcs et jardins, l’éminent et regretté directeur des travaux publics remarqua l’intelligence et l’activité de ce jeune homme de vingt-sept ans et recommanda à son ami et collaborateur Bouvard, de ne pas le perdre de vue.
En 1891, M. Jules Vacherot était nommé jardinier principal de la ville de Paris, et dirigeait la création des jolis jardins du Musée de Cluny, du square de la place Denfert-Rochereau, du Musée Galliéra, etc., etc. Il était en outre attaché à l’école d’arboriculture, où il faisait des conférences très appréciées.
Naturellement la grande manifestation de 1900 devait donner essora son activité; il fut nommé, en 1898, jardinier en chef de l’Exposition, et dans ces importantes fonctions il donna un brillant exemple de son esprit d’initiative, aussi le 15 avril dernier, le Ministre du Commerce le nommait-il chevalier de la Légion d’honneur. Il était, depuis deux ans déjà, officier du mérite agricole.
Ayant eu, à un moment donné, près de sept cents hommes sous ses ordres, il dirigea tout ce gros bataillon sans tapage, ayant su se faire aimer et obéir de son personnel, sur lequel il pouvait compter en toute occasion. De physionomie vive, intelligente, M. Jules Vacherot n’est jamais plus heureux que lorsqu’il a un tour de force à accomplir, alors sa figure devient souriante. De décision prompte, il travaille sans tâtonnement, a le plus grand respect pour ses chefs sur lesquels il reporte toujours la gloire de ses succès personnels.
Sous un aspect bourru c’est le meilleur homme du monde et, avec son air de vouloir avaler le Trocadéro, M. Jules Vacherot ne tirerait pas la patte à une mouche... d’ailleurs, il ne saurait pas l’attraper !
Les jardins du Champ de Mars devaient, d’après les premiers projets, consister essentiellement en une allée centrale de 40 mètres de largeur, aboutissant au Château-d’Eau et bordée de deux terrasses. Cette disposition a été maintenue dans ses lignes générales, mais a subi plusieurs modifications. L’allée centrale a été réduite à une largeur de 3o mètres et on l’a encadrée de massifs qui, selon l’expression pittoresque des jardiniers, en «calent» la perspective.
Deux conditions étaient à remplir dans l’organisation des jardins de cette partie de l’Exposition : il était nécessaire, comme nous l’avons déjà dit, que des pentes du Trocadéro on pût apercevoir par-dessous la Tour Eiffel, la silhouette entière du Palais de l’Electricité, ce qui obligea à réduire extrêmement la hauteur des massifs disposés dans l’axe du Champ de Mars. D’autre part, il fallait prévoir, pour les jours de fête, l’affluence d’une foule énorme et lui assurer
des voies de circulation très spacieuses.
En dépit de ces difficultés, on a trouvé le moyen de créer de chaque côté de la Tour Eiffel de ravissants jardins, où des peupliers et des saules pleureurs se reflètent dans l’eau frissonnante de lacs minuscules. Les deux pièces d’eau existaient déjà, on se le rappelle, en 1889, mais elles ont été refaites à l’occasion de la présente Exposition et leurs bords ont été replantés.
Ici, comme partout, les gazons ont été obtenus par le mélange de semences de variétés rustiques très vivaces; quand les pieds des promeneurs les ont écrasés et flétris, il suffit de quelques « coups de griffe », d’un peu de fumier et d’un peu d’eau pour leur rendre une verdoyante fraîcheur. A ce sujet, on nous a raconté un amusant détail : certaines pelouses se sont conservées indemnes grâce à l’ingéniosité des jardiniers chargés de leur entretien: ceux-ci avaient soin, la veille des jours de fête, d’arroser l’herbe si copieusement que nul n’était tenté, le lendemain, de s’y asseoir pour déjeuner.
Les jardins des Champs-Elysées ont été exécutés en huit jours: on les a vus littéralement sortir de terre la veille de l’inauguration de l'Exposition.
Nulle part l’art du jardinier n’a complété d'une façon plus heureuse celui de l’architecte. Le feuillage de hauts massifs d’arbres encadre les colonnades des Palais des Beaux-Arts, et des plates-bandes aux couleurs chatoyantes allongent, au pied des monuments, de riches tapis qui soulignent l’effet de perspective de l’Avenue triomphale.
Les palmiers qui se dressent aux quatre coins de l’Avenue, et dont les troncs ont été coquettement enguirlandés de capucines, sont les plus beaux qu’on ait jamais vus sur une promenade publique à Paris.Ils ont été fournis par la maison Tassin, sans qu’il en coûtât grand’chose à l’Administrât ion de l’Exposition. Par une habile combinaison, qu’on a employée également pour se procurer diverses autres plantes précieuses — les chamerops du Cours-la-Reine, par exemple — on a obtenu des horticulteurs qu’ils prêteraient leurs arbustes gratuitement, à la condition qu’on les remboursât des frais de transport et qu’on les considérât comme exposants.
Un des coins les plus intéressants des jardins des Champs-Elysées est la tranchée souterraine qui relie le quai aux berges de la Seine en passant sous le pont des Invalides. On sait que M. Picard fit construire en cet endroit un tunnel dans le but de faciliter le transport des matériaux de construction du Grand et du Petit Palais. Après l’achèvement de ces deux monuments on a conservé ce passage pour qu’il servit de dégagement au public. M. Vacherot l’a décoré de bancs de carrière et de rocailles, sur lesquels s’enchevêtrent des plantes grimpantes du plus pittoresque effet. Il est à souhaiter que ce jardin si «joli et si original survive à l’Exposition et reste une des curiosités de la promenade des Champs-Elysées.
L’exposition d’horticulture se trouve située en bordure des Champs-Elysées, entre le pont Alexandre-III et le pont des Invalides.
Comme la place faisait défaut on y suppléa ingénieusement en transformant en jardins les allées du Cours-la-Reine. Entre les alignements d’arbres, les chaussées ont été recouvertes d’une couche de terreau et ont pu ainsi être utilisées parles exposants pour leurs plantations particulières.
Cet emplacement cependant a été loin de leur suffire et, en présence de leurs justes réclamations on a dû leur abandonner partout des portions de jardins assez considérables. C’est ainsi qu’au Champ de Mars ils ont obtenu plusieurs plates-bandes; au Trocadéro on leur a donne tout le pourtour du grand bassin et, sur l’Esplanade des Invalides, les six petits parterres français qui, primitivement, ne devaient être consacrés qu’aux plantes d’ornement, ont été livrés aux horticulteurs pour servir à des expositions de rosiers. Il est juste de reconnaître l’admirable parti que certains exposants ont su tirer des terrains si exigus qui leur ont été concédés; nous ne pouvons citer ici beaucoup de noms, mais -nous avons plaisir à mentionner les plantations, de MM. Villemorin-Andrieux; les magnifiques massifs de rhododendrons fournis aux jardins des Champs-Elysées et du Château-d’Eau par M. Moser; les arbustes d’ornement de MM. Defrênes, Croux, Paillet, etc.
Les jardins coloniaux du Trocadéro n’ont pas été ceux qui ont demandé le moins de peine; on dut les planter en même temps que les indigènes construisaient leurs pavillons. Dès que les jardiniers avaient achevé une corbeille, ils voyaient leur ouvrage détruit par des équipes d’ouvriers jaunes ou noirs chargés d’échelles et de madriers;!^ pelouses étaient défoncées, les parterres saccagés: tout était à refaire. Avec de la persévérance, on parvint cependant à terminer ces jardins dont la fantaisie se combine d’une manière si gracieuse et si amusante avec les paillettes soudanaises, les coupoles de mosquées musulmanes, les gopuras hindous et les pagodes chinoises.
On a tiré parti pour varier les aspects des jardins des effets d’eau qui existaient sur les pentes du Trocadéro; on les a remaniés pour en faire, d’un côté, le ruisseau envahi de roseaux et de nénuphars qui serpente à travers les colonies françaises et porte toute une flottille de barques, de sampans et de pirogues en écorce; de l’autre, les bassins aux bizarres sinuosités des sections chinoise et japonaise. Le petit coin d’extrême-orient créé au pied du Trocadéro, parmi les kiosques à toits retroussés. mérite d’être admiré en détail. Certes, on n’a pu reconstituer dans une Exposition où se pressent journellement des foules de deux à trois cent mille personnes, les jardinets à rocailles, pleins d’arbres nains et de fleurs monstrueuses où se récréent les riches marchands et les mandarins du Céleste-Empire ; on est parvenu cependant à donner aux sections japonaise et chinoise un caractère d’exotisme, d'une grâce bizarre, parfaitement approprié au style des édifices qui y ont été construits, et les rêveurs peuvent, sans peine, de la terrasse du Pavillon des Tambours ou de la Porte de Confucius se croire transportés soudainement au pays du Jade ou à celui du Soleil Levant.
Ce caractère d’exotisme était d’autant plus difficile à obtenir que les jardiniers de l’Exposition ne pouvaient utiliser dans leurs plantations que des variétés très résistantes et assez communes pour être facilement renouvelées. Chaque lendemain de fête, en effet, il a fallu pourvoir au remplacement de milliers et de milliers de fleurs et d’arbustes, brisés par les promeneurs.
Une réserve de plantes de toutes sortes, préparée au Bois de Boulogne, a permis de renouveler constamment les parterres et les massifs et de conserver à l’Exposition, même pendant les plus fortes chaleurs, sa parure verdoyante et fleurie.
Une des choses que les étrangers admirent le plus à l’Exposition, ce sont les jardins. Un goût ingénieux et délicat a présidé à l’arrangement des allées qui relient les unes aux autres les diverses parties de cette ville merveilleuse et lui donnent une unité générale; à la répartition des massifs verdoyants qui encadrent la blancheur des palais et en soutiennent la perspective; à la décoration des corbeilles et des plates-bandes qui mettent partout une parure de fête.
M. Jules Vacherot
Directeur des Parcs et Jardins de l'Exposition
Au hasard de leurs promenades les visiteurs se laissent charmer par l’harmonieuse variété, le coloris et les parfums du décor, sans se rendre compte des difficultés qu’ont présentées sa création et son entretien. Les jardins du Champ de Mars ont une superficie d environ 4 hectares, ceux du Trocadéro couvrent 3 hectares, et ceux des Champs-Elysées 3 hectares 40 ares; c’est donc une étendue de plus de 10 hectares qu’il a fallu ensemencer et planter, avec symétrie pour bien faire ressortir la régularité des lignes architecturales ; avec fantaisie aussi pour ne pas fatiguer la vue des promeneurs et se conformer à la diversité de style des palais; avec solidité enfin pour résister, les jours de fête, aux brutalités et au piétinement de la foule. Sur l'Esplanade des Invalides, au Cours-la-Reine, il fallait respecter les quinconces et les alignements d’arbres déjà existants; au Champ de Mars, il fallait éviter qu’en dépassant une certaine élévation, les massifs d’arbustes ne masquassent le Palais de l’Electricité ; au Trocadéro, il fallait, sans employer de variétés coûteuses et fragiles, donner aux plantations une apparence exotique; un peu partout, il fallait abandonner du terrain aux exposants horticulteurs, trop à l’étroit dans les emplacements qui primitivement leur avaient été réservés... Et les accidents, les modifications imprévues apportées aux plans au dernier moment! L’obligation soudaine, par exemple, de trouver une place sur les berges de la Seine aux serres, qui, d'abord, devaient s’élever dans l’annexe de Vincennes... Si l’on considère tout ce que l’organisation des parcs de l’Exposition a demandé de labeur, d’adresse, d’ingéniosité et dégoût, les conditions diverses, parfois même contraires, imposées au jardinier en chef et la modicité relative des crédits mis à sa disposition, le résultat obtenu apparaît comme un prodigieux tour de force.
Voyez-vous cette silhouette trapue, qui file, rapide, à travers les jardins de l’Exposition, donnant un ordre bref à droite, faisant une observation vive à gauche; voyez-vous cet homme, à la redingote grise, qui trouve le moyen d’être en même temps aux Champs-Elysées et au Champ de Mars, eh bien, c’est le jardinier en chef de cette merveille fin de siècle, c’est M. Jules Vacherot, le précieux collaborateur de M. Alfred Picard.
C’est à lui que nous devons les splendides parcs et jardins de l’Exposition.
M. Jules Vacherot est le fils de ses oeuvres. Né à Jussey (Haute-Saône), le 10 septembre 1862, à deux ans et demi son père l’emmenait en Amérique, où il restait jusqu’à l’âge de treize ans et demi, vivant au milieu des immenses plantations de coton et de cannes à sucre de l’Alabama. Cinq cents noirs travaillaient sous les ordres de M. Vacherot père, lequel eut le premier l’honneur d’associer ses modestes collaborateurs aux bénéfices de ses plantations.
De retour en France, en 1876, M. Jules Vacherot qui avait travaillé l’horticulture en Amérique, se prit de passion pour le jardinage et se fit admettre à l’Ecole des Beaux-Arts, où il resta cinq années, après lesquelles il entra dans les services de la ville de Paris, comme architecte paysagiste, puis comme conducteur des travaux de jardinage.
L’Exposition Universelle de 1889 devait le faire sortir des rangs. M. Alphand, qui se connaissait en hommes, ne tarda pas à distinguer M. Jules Vacherot. Conducteur principal pour l’établissement des parcs et jardins, l’éminent et regretté directeur des travaux publics remarqua l’intelligence et l’activité de ce jeune homme de vingt-sept ans et recommanda à son ami et collaborateur Bouvard, de ne pas le perdre de vue.
En 1891, M. Jules Vacherot était nommé jardinier principal de la ville de Paris, et dirigeait la création des jolis jardins du Musée de Cluny, du square de la place Denfert-Rochereau, du Musée Galliéra, etc., etc. Il était en outre attaché à l’école d’arboriculture, où il faisait des conférences très appréciées.
Naturellement la grande manifestation de 1900 devait donner essora son activité; il fut nommé, en 1898, jardinier en chef de l’Exposition, et dans ces importantes fonctions il donna un brillant exemple de son esprit d’initiative, aussi le 15 avril dernier, le Ministre du Commerce le nommait-il chevalier de la Légion d’honneur. Il était, depuis deux ans déjà, officier du mérite agricole.
Ayant eu, à un moment donné, près de sept cents hommes sous ses ordres, il dirigea tout ce gros bataillon sans tapage, ayant su se faire aimer et obéir de son personnel, sur lequel il pouvait compter en toute occasion. De physionomie vive, intelligente, M. Jules Vacherot n’est jamais plus heureux que lorsqu’il a un tour de force à accomplir, alors sa figure devient souriante. De décision prompte, il travaille sans tâtonnement, a le plus grand respect pour ses chefs sur lesquels il reporte toujours la gloire de ses succès personnels.
Sous un aspect bourru c’est le meilleur homme du monde et, avec son air de vouloir avaler le Trocadéro, M. Jules Vacherot ne tirerait pas la patte à une mouche... d’ailleurs, il ne saurait pas l’attraper !
Les jardins du Champ de Mars devaient, d’après les premiers projets, consister essentiellement en une allée centrale de 40 mètres de largeur, aboutissant au Château-d’Eau et bordée de deux terrasses. Cette disposition a été maintenue dans ses lignes générales, mais a subi plusieurs modifications. L’allée centrale a été réduite à une largeur de 3o mètres et on l’a encadrée de massifs qui, selon l’expression pittoresque des jardiniers, en «calent» la perspective.
Deux conditions étaient à remplir dans l’organisation des jardins de cette partie de l’Exposition : il était nécessaire, comme nous l’avons déjà dit, que des pentes du Trocadéro on pût apercevoir par-dessous la Tour Eiffel, la silhouette entière du Palais de l’Electricité, ce qui obligea à réduire extrêmement la hauteur des massifs disposés dans l’axe du Champ de Mars. D’autre part, il fallait prévoir, pour les jours de fête, l’affluence d’une foule énorme et lui assurer
des voies de circulation très spacieuses.
En dépit de ces difficultés, on a trouvé le moyen de créer de chaque côté de la Tour Eiffel de ravissants jardins, où des peupliers et des saules pleureurs se reflètent dans l’eau frissonnante de lacs minuscules. Les deux pièces d’eau existaient déjà, on se le rappelle, en 1889, mais elles ont été refaites à l’occasion de la présente Exposition et leurs bords ont été replantés.
Ici, comme partout, les gazons ont été obtenus par le mélange de semences de variétés rustiques très vivaces; quand les pieds des promeneurs les ont écrasés et flétris, il suffit de quelques « coups de griffe », d’un peu de fumier et d’un peu d’eau pour leur rendre une verdoyante fraîcheur. A ce sujet, on nous a raconté un amusant détail : certaines pelouses se sont conservées indemnes grâce à l’ingéniosité des jardiniers chargés de leur entretien: ceux-ci avaient soin, la veille des jours de fête, d’arroser l’herbe si copieusement que nul n’était tenté, le lendemain, de s’y asseoir pour déjeuner.
Les jardins des Champs-Elysées ont été exécutés en huit jours: on les a vus littéralement sortir de terre la veille de l’inauguration de l'Exposition.
Nulle part l’art du jardinier n’a complété d'une façon plus heureuse celui de l’architecte. Le feuillage de hauts massifs d’arbres encadre les colonnades des Palais des Beaux-Arts, et des plates-bandes aux couleurs chatoyantes allongent, au pied des monuments, de riches tapis qui soulignent l’effet de perspective de l’Avenue triomphale.
Les palmiers qui se dressent aux quatre coins de l’Avenue, et dont les troncs ont été coquettement enguirlandés de capucines, sont les plus beaux qu’on ait jamais vus sur une promenade publique à Paris.Ils ont été fournis par la maison Tassin, sans qu’il en coûtât grand’chose à l’Administrât ion de l’Exposition. Par une habile combinaison, qu’on a employée également pour se procurer diverses autres plantes précieuses — les chamerops du Cours-la-Reine, par exemple — on a obtenu des horticulteurs qu’ils prêteraient leurs arbustes gratuitement, à la condition qu’on les remboursât des frais de transport et qu’on les considérât comme exposants.
Un des coins les plus intéressants des jardins des Champs-Elysées est la tranchée souterraine qui relie le quai aux berges de la Seine en passant sous le pont des Invalides. On sait que M. Picard fit construire en cet endroit un tunnel dans le but de faciliter le transport des matériaux de construction du Grand et du Petit Palais. Après l’achèvement de ces deux monuments on a conservé ce passage pour qu’il servit de dégagement au public. M. Vacherot l’a décoré de bancs de carrière et de rocailles, sur lesquels s’enchevêtrent des plantes grimpantes du plus pittoresque effet. Il est à souhaiter que ce jardin si «joli et si original survive à l’Exposition et reste une des curiosités de la promenade des Champs-Elysées.
L’exposition d’horticulture se trouve située en bordure des Champs-Elysées, entre le pont Alexandre-III et le pont des Invalides.
Comme la place faisait défaut on y suppléa ingénieusement en transformant en jardins les allées du Cours-la-Reine. Entre les alignements d’arbres, les chaussées ont été recouvertes d’une couche de terreau et ont pu ainsi être utilisées parles exposants pour leurs plantations particulières.
Cet emplacement cependant a été loin de leur suffire et, en présence de leurs justes réclamations on a dû leur abandonner partout des portions de jardins assez considérables. C’est ainsi qu’au Champ de Mars ils ont obtenu plusieurs plates-bandes; au Trocadéro on leur a donne tout le pourtour du grand bassin et, sur l’Esplanade des Invalides, les six petits parterres français qui, primitivement, ne devaient être consacrés qu’aux plantes d’ornement, ont été livrés aux horticulteurs pour servir à des expositions de rosiers. Il est juste de reconnaître l’admirable parti que certains exposants ont su tirer des terrains si exigus qui leur ont été concédés; nous ne pouvons citer ici beaucoup de noms, mais -nous avons plaisir à mentionner les plantations, de MM. Villemorin-Andrieux; les magnifiques massifs de rhododendrons fournis aux jardins des Champs-Elysées et du Château-d’Eau par M. Moser; les arbustes d’ornement de MM. Defrênes, Croux, Paillet, etc.
Les jardins coloniaux du Trocadéro n’ont pas été ceux qui ont demandé le moins de peine; on dut les planter en même temps que les indigènes construisaient leurs pavillons. Dès que les jardiniers avaient achevé une corbeille, ils voyaient leur ouvrage détruit par des équipes d’ouvriers jaunes ou noirs chargés d’échelles et de madriers;!^ pelouses étaient défoncées, les parterres saccagés: tout était à refaire. Avec de la persévérance, on parvint cependant à terminer ces jardins dont la fantaisie se combine d’une manière si gracieuse et si amusante avec les paillettes soudanaises, les coupoles de mosquées musulmanes, les gopuras hindous et les pagodes chinoises.
On a tiré parti pour varier les aspects des jardins des effets d’eau qui existaient sur les pentes du Trocadéro; on les a remaniés pour en faire, d’un côté, le ruisseau envahi de roseaux et de nénuphars qui serpente à travers les colonies françaises et porte toute une flottille de barques, de sampans et de pirogues en écorce; de l’autre, les bassins aux bizarres sinuosités des sections chinoise et japonaise. Le petit coin d’extrême-orient créé au pied du Trocadéro, parmi les kiosques à toits retroussés. mérite d’être admiré en détail. Certes, on n’a pu reconstituer dans une Exposition où se pressent journellement des foules de deux à trois cent mille personnes, les jardinets à rocailles, pleins d’arbres nains et de fleurs monstrueuses où se récréent les riches marchands et les mandarins du Céleste-Empire ; on est parvenu cependant à donner aux sections japonaise et chinoise un caractère d’exotisme, d'une grâce bizarre, parfaitement approprié au style des édifices qui y ont été construits, et les rêveurs peuvent, sans peine, de la terrasse du Pavillon des Tambours ou de la Porte de Confucius se croire transportés soudainement au pays du Jade ou à celui du Soleil Levant.
Ce caractère d’exotisme était d’autant plus difficile à obtenir que les jardiniers de l’Exposition ne pouvaient utiliser dans leurs plantations que des variétés très résistantes et assez communes pour être facilement renouvelées. Chaque lendemain de fête, en effet, il a fallu pourvoir au remplacement de milliers et de milliers de fleurs et d’arbustes, brisés par les promeneurs.
Une réserve de plantes de toutes sortes, préparée au Bois de Boulogne, a permis de renouveler constamment les parterres et les massifs et de conserver à l’Exposition, même pendant les plus fortes chaleurs, sa parure verdoyante et fleurie.