La surface attribuée à l'Exposition universelle de 1889 est de beaucoup supérieure à celle qui fut occupée par les expositions précédentes. Outre le Trocadéro, elle englobe le Champ de Mars et l'Esplanade des Invalides, avec la partie intermédiaire du quai d'Orsay sur une longueur de 1,500 mètres environ, soit, au total, une superficie de 90 hectares.
Le visiteur qui, entrant par la porte située près du Ministère des Affaires étrangères, voudrait contourner l'Esplanade des Invalides, en longeant la palissade, puis suivre le quai, faire également le tour du Champ de Mars, pour traverser enfin La Seine sur le pont d'Iéna et sortir sur la place du Trocadéro, aurait environ 7 kilomètres à parcourir, soit une heure un quart de marche au pas accéléré.
Avec un semblable développement, il était absolument nécessaire de mettre à la disposition du public un moyen de locomotion pratique, rapide et peu dispendieux. Il fut donc décidé que l'intérieur de l'Exposition serait desservi par un chemin de fer.

Trajet du chemin de fer-tramway Decauville
La ligne dont le parcours a été adopté a donc son point de départ vis-à-vis de l'angle du Ministère des Affaires étrangères, près de la Seine ; elle traverse l'Esplanade dans sa largeur et suit le quai intérieurement à la clôture de l'Exposition, entre les deux rangées d'arbres les plus éloignées de la berge. Elle traverse ainsi l'avenue de Latour-Maubourg en passage à niveau, passe en tunnel sous le carrefour de l'avenue Rapp et de l'avenue Bosquet, croise l'avenue de la Bourdonnais, s'engage dans la tranchée qui limite le Champ de Mars en avant de la tour de 300 mètres, et tourne ensuite à angle droit pour longer l'avenue de Suffren jusque près de l'Ecole militaire, où se trouve la station terminus.
La longueur totale de ce tracé est de plus de 3 kilomètres.
La surveillance de l'exécution des travaux a été confiée à M. J. Charton, ingénieur en chef adjoint du contrôle des constructions métalliques, qui s'est particulièrement occupé de l'installation des voies ferrées au Champ de Mars.
Outre les deux gares extrêmes, trois stations intermédiaires ont été prévues aux points suivants, sur le quai d'Orsay : la première au carrefour Malar, la seconde en face du Palais des Produits alimentaires, la troisième à l'angle du quai et de l'avenue de Suffren. Le matériel fixe, comme d'ailleurs aussi le matériel roulant, est fourni par la Société Decauville.
La voie est double, avec une entrevoie de 2 mètres.

Locomotives Decauville
Le mode de traction adopté en principe est la vapeur. Les locomotives seront de plusieurs modèles. L'une des plus intéressantes est celle du capitaine Péchot. Cette machine, dite locomotive Duplex, a été combinée spécialement pour les usages de l'armée, et en particulier pour le transport du matériel de siège et de place.
On emploiera également les locomotives du type Mollet, bien connu et justement apprécié, appelées à servir dans les mêmes conditions que les précédentes. Les wagons servant au transport des voyageurs seront de divers modèles. Il est pourtant probable que les caisses seules présenteront des dispositions variées, mais qu'elles seront toutes supportées par des trucs d'un type uniforme, semblable à celui qui a été adopté par le Ministère de la Guerre.
L'usage des lignes à écartement réduit ayant pris depuis quelques années un développement considérable, tant pour les usages industriels et les services militaires que pour le transport des voyageurs et l'établissement de voies de pénétration aux colonies, tout ce qui concerne des installations semblables est à l'ordre du jour. Aussi le chemin de fer-tramway de M. Decauville, outre les services qu'il rendra aux nombreux visiteurs de l'Exposition, présentera-t-il, au point de vue technique, un réel intérêt, tant par la voie que par le matériel employé.

Station de la Concorde
Le cahier des charges réglemente l'exploitation de cette ligne par le concessionnaire. Les départs des trains il devront avoir lieu toutes les dix minutes, de chacune des stations terminus, depuis 9 heures du matin jusqu'à minuit; soit, par conséquent, six trains par heure ou 54 trains par jour dans chaque sens.
Quoique sur presque toute sa longueur, la voie soit complètement défendue contre la circulation du public, on a jugé prudent d'imposer un faible maximum de vitesse, qui est de 10 kilomètres à l'heure. Cette vitesse devra même être réduite à 4 kilomètres en certains points du parcours, et en particulier aux passages à niveau où chaque train sera, en outre, précédé d'un pilote.
La longueur des trains ne devra pas excéder 50 mètres, et chacun d'eux sera muni d'un frein à arrêt instantané.
Le prix du transport est fixé uniformément à 0 fr. 25 par personne, et à 0 fr. 50 pour le wagon-salon, quelle que soit la longueur du trajet.

Station de la Tour Eiffel
Les voyageurs pourront se munir à l'avance de leurs billets, qui seront vendus dans de nombreux dépôts ; il suffira de montrer ces billets à des gardiens pour pénétrer dans le wagon, et, à la sortie, ils seront déposés dans les tourniquets.
Si le chemin de fer-tramway doit être un moyen de transport commode pour circuler à l'intérieur de l'Exposition, il présentera ainsi un autre avantage : la station de départ sera située à 250 mètres à peine du pont de la Concorde. On voit combien il sera commode, au lieu de gagner le Trocadéro ou la Porte Rapp, d'aller simplement monter en wagon à quelques pas du Palais-Bourbon et de pouvoir se rendre ainsi jusqu'à la Galerie des Machines, au fond du Champ de Mars.

Tunnel de 106 mètres
La sécurité est complètement assurée ; dans chaque gare, il y a un disque manœuvrant à distance, et, dans les deux passages à niveau le disque ne peut s'ouvrir que lorsque la barrière est fermée.
Tous les trains sont annoncés par un système de cloches électriques aboutissant aux passages à niveau et à la station suivante. Enfin, il y aura dans chaque gare un service téléphonique.

Station du Palais des Machines