par worldfairs » 20 janv. 2011 08:08 pm
L'esprit des lieux - La Tour Eiffel / Paris 1900
Editeur : Le Figaro Collection
Année de sortie : 2006
Langue : Français
Préface de Michel Dejaeghere, Directeur de la rédaction :
"Il y a des dates qui comptent, remarquait Paul Morand dans son irremplaçable
1900, d'autres qui tombent en poussière ".
Pour Paris, pour la France, 1900
marquait sans conteste une pause en même temps qu'un sommet. On s'étripait
la veille autour du cas du capitaine Dreyfus, dont le conseil de guerre de Rennes
venait de proclamer, une deuxième fois, la culpabilité, avant qu'il ne bénéficiât de
la grâce présidentielle. On se battrait demain dans la nef même de Sainte-Clotilde,
envahie par la soldatesque pour y faire l'inventaire des biens cultuels que la
République viendrait de confisquer. Félix Faure avait perdu, quelques mois plus
tôt, sa connaissance dans les circonstances que l'on sait ; Déroulède avait tenté de
profiter de ses obsèques pour monter avec ses patriotes à l'assaut de l'Elysée. Les
chéquards avaient montré leurs figures, sans que le régime en ait été durablement
ébranlé ;les anarchistes lançaient des bombes jusque dans l'hémicycle de la
Chambre des députés ;le baron Christiani avait exprimé les sentiments des beaux
quartiers en défonçant, à Longchamp, le chapeau haut de forme du Président
Loubet. De fiers républicains s'émerveillaient de l'alliance conclue avec le tzar
de toutes les Russies : elle assurerait à la France l'invincibilité. Les nationalistes
appelaient à la Revanche qui allait signer le déclin de la France, pour jamais.
Sur le
Champ-de-Mars, la Tour d'acier érigée à l'occasion du bicentenaire de la Révolution
française avait survécu aux pétitionnaires qui exigeaient qu'on détruisît
« ce squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un
formidable monument de Cyclopes, et qui avorte en un ridicule et mince profil
de cheminée d'usine » (Maupassant). Elle continuait de proclamer l'avènement
du siècle de l'industrie, des sciences, de la paix universelle et du progrès.
Sur le Mont des Martyrs, s'élevaient les hauts murs blancs de la basilique destinée
à réparer l'oubli dans lequel la France laissait désormais les droits de Dieu
sur la société.
1900 allait marquer une trêve dans les divisions immémoriales de
la France.
Sur le trottoir roulant qui lui permet de faire le tour de l'Exposition par
quoi Paris a choisi d'inaugurer le siècle, dans les corbeilles de la Grande roue, sous
la voûte lumineuse de verre et d'acier du Grand Palais, c'est tout un peuple qui
oublie, soudain, ses déchirements, pour s'émerveiller des trésors de la modernité.
De ce moment de grâce, Paris porte encore témoignage, par les monuments qui
en incarnent les grandeurs et les ambiguïtés : la tour Eiffel, Montmartre, le Grand
et le Petit Palais, le métro de Guimard, qu'on venait d'inaugurer, bien d'autres
plus modestes ou plus secrets.
Ce n'est pas sans mélancolie que nous leur avons
consacré ce septième numéro d'une collection dédiée aux trésors du patrimoine
français. Les évoquant, nous avons cru voir revivre, un instant, la vieille Europe,
au moment où elle se donnait à elle-même en spectacle sans mesurer, sans doute,
à quel point ses jours étaient comptés.
L'esprit des lieux - La Tour Eiffel / Paris 1900
Editeur : Le Figaro Collection
Année de sortie : 2006
Langue : Français
[img]http://www.worldfairs.info/imagesforum/livres/generalistes/lefigarocollection.jpg[/img]
Préface de Michel Dejaeghere, Directeur de la rédaction :
"Il y a des dates qui comptent, remarquait Paul Morand dans son irremplaçable
1900, d'autres qui tombent en poussière ".
Pour Paris, pour la France, 1900
marquait sans conteste une pause en même temps qu'un sommet. On s'étripait
la veille autour du cas du capitaine Dreyfus, dont le conseil de guerre de Rennes
venait de proclamer, une deuxième fois, la culpabilité, avant qu'il ne bénéficiât de
la grâce présidentielle. On se battrait demain dans la nef même de Sainte-Clotilde,
envahie par la soldatesque pour y faire l'inventaire des biens cultuels que la
République viendrait de confisquer. Félix Faure avait perdu, quelques mois plus
tôt, sa connaissance dans les circonstances que l'on sait ; Déroulède avait tenté de
profiter de ses obsèques pour monter avec ses patriotes à l'assaut de l'Elysée. Les
chéquards avaient montré leurs figures, sans que le régime en ait été durablement
ébranlé ;les anarchistes lançaient des bombes jusque dans l'hémicycle de la
Chambre des députés ;le baron Christiani avait exprimé les sentiments des beaux
quartiers en défonçant, à Longchamp, le chapeau haut de forme du Président
Loubet. De fiers républicains s'émerveillaient de l'alliance conclue avec le tzar
de toutes les Russies : elle assurerait à la France l'invincibilité. Les nationalistes
appelaient à la Revanche qui allait signer le déclin de la France, pour jamais.
Sur le
Champ-de-Mars, la Tour d'acier érigée à l'occasion du bicentenaire de la Révolution
française avait survécu aux pétitionnaires qui exigeaient qu'on détruisît
« ce squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un
formidable monument de Cyclopes, et qui avorte en un ridicule et mince profil
de cheminée d'usine » (Maupassant). Elle continuait de proclamer l'avènement
du siècle de l'industrie, des sciences, de la paix universelle et du progrès.
Sur le Mont des Martyrs, s'élevaient les hauts murs blancs de la basilique destinée
à réparer l'oubli dans lequel la France laissait désormais les droits de Dieu
sur la société.
1900 allait marquer une trêve dans les divisions immémoriales de
la France.
Sur le trottoir roulant qui lui permet de faire le tour de l'Exposition par
quoi Paris a choisi d'inaugurer le siècle, dans les corbeilles de la Grande roue, sous
la voûte lumineuse de verre et d'acier du Grand Palais, c'est tout un peuple qui
oublie, soudain, ses déchirements, pour s'émerveiller des trésors de la modernité.
De ce moment de grâce, Paris porte encore témoignage, par les monuments qui
en incarnent les grandeurs et les ambiguïtés : la tour Eiffel, Montmartre, le Grand
et le Petit Palais, le métro de Guimard, qu'on venait d'inaugurer, bien d'autres
plus modestes ou plus secrets.
Ce n'est pas sans mélancolie que nous leur avons
consacré ce septième numéro d'une collection dédiée aux trésors du patrimoine
français. Les évoquant, nous avons cru voir revivre, un instant, la vieille Europe,
au moment où elle se donnait à elle-même en spectacle sans mesurer, sans doute,
à quel point ses jours étaient comptés.