Texte et illustrations de "La construction moderne - 28 juillet 1888"
Montage des fermes de 115 mètres.
Le palais des machines qui sera une des principales attractions de l’Exposition par la hardiesse et la légèreté de son ossature métallique, a été divisé en deux lots pour les adjudications : le premier lot est construit par la Compagnie de Fives-Lille, le second par la Société des anciens établissements Cail. Ce palais a comme longueur toute la largeur du Champ de Mars, c’est-à-dire 420 mètres; vingt fermes de 115 mètres de portée le partagent en dix-neuf travées, la travée centrale et les deux extrêmes étant un peu plus grandes que les autres.
Le montage de pièces métalliques aussi considérables n’était pas chose facile ; les deux maisons chargées de ce travail ont présenté chacune un système de levage ; ces deux systèmes sont, comme on va le voir, tout à fait différents.
Montage de la Compagnie de Fives-Lille. — La Compagnie de Fives-Lille monte une ferme en quatre tronçons : les deux piliers et les deux arbalétriers (Fig. 1). Un pilier pèse 45 tonnes et un arêtier 42 tonnes.

- Echafaudage Fives-Lille
Les différentes pièces qui constituent chacun de ces tronçons sont amenées au Champ de Mars par la voie ferrée, et leur rivetage se fait sur le sol, à l’endroit même où plus tard on devra les soulever.
L’échafaudage employé se compose de trois pylônes isolés, un au centre et un à chacune des extrémités d’une ferme. Les piliers A et B' étant terminés et couchés sur le sol, on commence par les soulever à l’aide de cordages passant sur des poulies de renvoi fixées aux pylônes extrêmes et allant à deux treuils qui sont solidement amarrés à la base du pylône central. Dans ce mouvement les piliers opèrent une rotation sur leurs tourillons et prennent les positions A' et B'; ils se trouvent alors emboités dans les pylônes extrêmes qui leur servent ainsi de soutien.
On procède ensuite au levage des deux arbalétriers C D et E F, en se servant pour cela des treuils qui sont à la base du pylône central et des pylônes extrêmes. Quand les arbalétriers sont arrivés à leur position définitive, en C D' et E' F', on pose le tourillon supérieur et on boulonne le collier qui relie les deux coussinets. Il ne reste plus alors qu’à faire le rivetage du joint de chaque arbalétrier avec son pilier.
Les petits chariots que l’on voit sur les arêtiers servent au levage des grandes pannes qui relient les fermes entre elles.
Une fois la ferme complètement assemblée on procède au déplacement de l’échafaudage. On démonte la partie supérieure du pylône central pour que ce pylône puisse passer sous la ferme, on agit sur les treuils qui fout mouvoir ce pylône muni de galets et on remet en place la partie supérieure.
Pour les pylônes extrêmes, ou a trois mouvements à leur faire exécuter : ils sont pour cela munis de galets permettant le roulement dans deux sens perpendiculaires entre eux. D’abord il faut diriger chaque pylône vers l’axe de la galerie pour dégager les piliers de ferme ; puis on amène ces pylônes sur l’emplacement de la ferme suivante, et enfin on les éloigne de l’axe de la nef pour les amener dans une position identique à celle qu’ils occupaient primitivement.
Tous ces mouvements très simples et très bien réglés sont faits avec une grande rapidité.

- Echafaudage Cail
Montage de la Société des anciens établissements Cail. — Dans ce système on ne fait pas le levage de tronçons assemblés ayant des poids considérables ; an contraire on a cherché à ne lever que des poids aussi faibles que possible. On commence d’abord, à, l’aide de l’échafaudage représenté par la figure 2, par assembler sur place et dans leur position définitive les pieds de ferme. Puis à l’aide de grues qui se déplacent sur une plateforme horizontale ayant toute la largeur de la nef et dont on voit la moitié seulement sur le côté gauche de la figure 3, on vient soulever les différentes pièces constituant la ferme et on les dépose sur l’échafaudage de soutien où se fait le rivetage de toute la ferme. La fig. 3 représente sur la droite la moitié de cet échafaudage de soutien.
L’échafaudage des grues roulantes et l’échafaudage de soutien sont accolés l’un à l’autre et supportés par cinq
pylônes, un au milieu, deux intermédiaires et deux extrêmes, dont on voit les profils sur la figure 4.
Ces cinq pylônes son relies entre eux par des_ moises, et l’on a ainsi un échafaudage unique de 101 mètres de largeur.
Le plancher de l’échafaudage de soutien a à peu près la forme de l’intrados de la ferme; à mesure que la ferme est assemblée sur ce plancher, on règle sa position à l’aide de cales en bois. Le décalage ne se fait que lorsque la ferme est complètement terminée et reliée à la ferme précédente. On transporte alors l’échafaudage à l’emplacement de la ferme suivante. Pour cela chaque pylône est muni de galets reposant sur des rails; cinq treuils sur lesquels on agit en même temps servent à exécuter ce déplacement.
Si on compare le travail produit avec chacun de ces deux systèmes, on voit que la Compagnie de Fives-Lille a mis en place actuellement huit fermes et sept travées, et que la Société Cail à posé sept fermes et six travées. L’avantage semblerait donc être pour le premier système ; mais la Compagnie de Fives-Lille ayant commencé son montage quelques jours avant la Société Cail, on peut donc en conclure que les deux systèmes sont également bons et que la même activité est déployée sur ces deux chantiers.