Retour - Liste Pavillons

Pont Alexandre III - Expo Paris 1900

Pont Alexandre III à l'exposition de Expo Paris 1900
Architecte(s) : Cassin-Bernard et Cousin

Paris, qui possède tant de ponts, que toutes les époques lui ont légués,n'aura jamais peut-être eu tant à se louer que cette fois du travail de ses architectes et de ses artistes. Les essais antérieurs de ponts modernes en fer n'ont pas été tous heureux, et si au point de vue pratique, on avait réalisé un progrès sur les ponts à arches massives et répétées de l'ancien temps, qui prennent beaucoup de place dans l'eau, ce qui est nuisible aux services de navigation et présente de graves inconvénients lors de crues, rien de bien architectural n'avait encore été conçu. Le pont Alexandre III réalise ce problème, d'être d'une élégance remarquable, et de ce prêter, avec son arche unique, hardiment jetée sur le fleuve et de vastes dimensions, à la circulation sur l'eau, et au-dessus de l'eau. Il vient compléter de la façon la plus heureuse le nouveau centre ornemental de Paris qui s'est formé autour des Champs-Elysées.
Ce pont présentait des difficulté presque insurmontables à construire : il le fallait grandiose, imposant, de grand style, pour ne pas briser l'harmonie de l'Esplanade et des monuments de la rive gauche : on le voulait coquet, svelte et gracieux afin qu'il cadrât bien avec les nouveaux édifices de l'avenue Nicolas II : le fer seul pouvait fournir la résistance unie à la légèreté cherchée, mais en devenant artistique, ou tout au moins en prenant des airs de distinction, ce qui ne lui arrive pas souvent. On y est arrivé! Ce pont est un des étonnements des visiteurs de l'exposition : il obtient, on peut le dire, l'approbation universelle, et soit qu'on aborde en bateau, soit qu'on se prépare à le franchir, sous ses aspects divers, il séduit et il enchante la vue.
De loin, la courbe heureuse du pont, formée d'une seule bande de fer , attire tout d'abord le regard, surpris de l'immense ouverture qu'elle donne ainsi aux eaux du fleuve pour passer. La ligne courbe de l'arche et la ligne horizontale du tablier se rejoignent presque au centre grani d'un cartouche porté en aval par les nymphes de la Seine, et en amont par les nymphes de la Néva du sculpteur Récipon. Au fur et à mesure que la courbe s'éloigne du milieu du pont et que le vide s'accuse entre l'arche et le tablier, les pilatres s'élèvent, soutenant des guirlandes d'un effet décoratif tout nouveau et très réussi. Ce pont superbe a 107,3 metres de portée et 40 metres de largeur. Sa charpente, composée de 15 arcs d'acier moulé, repose sur des culées de granit construite elles-mêmes sur des fondations d'une résistance telle, qu'elle n'a pas à redouter aucun fléchissement; les culées forment voûte pour la circulation de la berge. De magnifiques escaliers à rampe de pierre monte au niveau des quais et du tablier de proportion majestueuse, avec ses 40 mètres de largeur, divisés en trois bandes, une chausée de 20 mètres, et 2 trottoirs de 10 mètres chacun.
L'entrée du pont est évasée; en arrivant droit dans l'axe du pont, nous avons donc à droite et à gauche deux courbes légèrement concaves du parapet partant de la rampe d'accès à la berge et se terminant aux pylones marquant l'entrée proprement dite du pont.
Le premier ornement architectural est, sur le quai : une pyramide de granit, ceinturée de bronze et portant quatre grosses lanternes; c'est le point de jonction du quai et du pont.
Quelques mètres de parapet ajouré et voici un des quatre lions gardant les rampes descendant à la Seine. On a échappé à l'allégorie : ces lions enguirlandés de fruits en amont, de fleurs en aval, sont caressés par des enfants qui, sans doute dans la réalité, se sauveraient bien vite; mais le système étant adroit, il faut reconnaitre que ces lions, calmes et dignes, sont d'une belle allure, comme, du reste, ceux qui leur font pendant à l'autre extrémité du pont et qui, dans la pensée de l'artiste, doivent plutôt figurer la noblesse dans la force et dans la vaillance, car ils foulent aux pieds des trophées de drapeaux à la place des gerbes de blé. Beaux groupes décoratifs, en somme, et bien dans la note du mouvement. De superbes vases de marbre blanc délicatement sculptés granissent la rampe du côté du fleuve.
Enfin, marquant l'entrée même du pont se dressent de haut pylônes d'aspect vraiment monumental. Ces pylônes sont garnis à leur base, sur trois côtés, de proues de navires, et , face à l'entrée,de grandes figures symboliques représentant, sur la rive droite, en amont, la France de Charlemagne, d'Alfred Lenoir, la France contemporaine, deG. Michel; sur la rive gauche, en amont, la France à l'époque de la Renaissance; en aval, la France de Louis XIV. les colonne encastrées, unies commes les faces des pylônes, lesquelles sont agrémentées de cartouches très discrets de bas-reliefs, ont des chapiteaux d'ordre ionique; elles supportent une frise chargées d'ornements, et un entablement surmonté des groupes dorés dont nous avons parlé, représentant en amont, rive droite, la Renommée des Arts, et en aval, la Renommée de Sciences; en amont, rive gauche, la Renommée du Commerce; en aval, la Renommée de l'Industrie.
Dans les socles des statues de la France aux diverses époques sontenchassés des cartouches de marbre. Le cartouche du pylône de la rive droite, en amont, porte une inscription commémorative de la cérémonie grandiose qui eut lieu lors du séjour historique du Tsar à Paris. Elle est ainsi conçue :
Le 7 Octobre 1896
Sa Majesté Nicolas II
Empereur de toutes les Russies
Sa Majesté l'Impératrice Alexandra Fedorovna
Félix Faure
Président de la République Française
Ont posé la première pierre
du Pont Alexandre III

Le cartouche du pylône opposé a reçu une inscription commémorative de l'inauguration de l'Exposition par les président de la République.
Le 14 Avril 1900
Emile Loubet
Président de la République Française
a ouvert
l'Exposition Universelle
et inauguré
le Pont Alexandre III

Les cartouche des pylônes de la rive gauche donnent les noms des principaux organisateurs de l'Exposition à la tête desquels figure le commissaire général, M. Alfred Picard, qui s'est en somme fort brillamment acquitté de cette tâche écrasante.
Après les pylônes, la balustrade est coupée de socles, garnis de jolis groupes de bronze; enfants montés sur des monstres marins; puis de magnifiques lampadaires de bronze doré, ornés d'enfants dansant une ronde, en se tenant à une guirlande de plantes marines, ou jouant avec des poissons vivants; sur le sol, des poissons, des crustacés. Enfin la clef de voute même du pont est surmontée sur chaque face par un groupe colossal en bronze, d'où partent des branches à feuilles de roseau, supportant des lanternes en forme de fuseaux. Tout cet ensemble produit un effet charmant, le soir, lorsque l'électricité étincèle dans ces innombrables lampadaires.
A chaque extrémité du parapet se trouve un gros catouche de bronze à panache doré, protant l'inscription:Pont Alexandre III. A remarquer encore les quatorze candélabres à trois branches posés sur l'appui du pont de bronze. Le tout d'un travail très soigné, d'une ornementation très riche, mais nullement lourde. On sent que les architectes, MM. Cassin-Bernard et Cousin, architectes et MM. Réval et Alby, ingénieurs, ont eu le souci de doter Paris d'un ouvrage d'utilité qui fit l'honneur à tous les points de vue, et il n'y a pas à leur marchander les éloges.

©Louis Rousselet - L'Exposition Universelle de 1900