La fantasia arabe nous appelle à l'Esplanade des Invalides, dans cette pittoresque Algérie où nous ont déjà attiré la Nouba et les campements des familles kabyles.
Là, dans l'espace qui s'étend derrière les palais de la Tunisie, s'élève un village arabe : de vastes tentes à larges rayures abritent des familles complètes, dont les enfants, vêtus d'une simple chemise flottante, se cramponnent aux visiteurs pour leur arracher un petit sou. Sous un abri plus rudimentaire encore, les chevaux sont alignés, attachés parles pieds aune longue corde tendue qui ne leur permet aucun mouvement. C'est là, sous une allée d'arbres maintenue libre, qu'a lieu presque chaque jour la fantasia.
Un cavalier s'avance, dressé sur sa haute selle, ornementée de cuivres et de broderies ; son long manteau flotte derrière lui, une écharpe de couleur brillante recouvre l'arrière-train de son cheval, et la course commence à travers les arbres; les cavaliers sont d'une habileté rare, les chevaux d'une légèreté et d'une intelligence remarquables. Puis deux musiciens, marchant à reculons, entonnent cette interminable et monotone mélopée qui est la musique orientale ; le cheval suit la mesure, marquant le pas, balançant sa jolie tête fine, et trouvant sans doute bien restreint le court espace où s'emprisonne son galop journalier.
Mais vraiment on ne pouvait exiger qu'un bout du désert fût transporté à l'Esplanade des Invalides, et il faut bien se contenter de cette fantasia, très pittoresque, mais à laquelle manquent les chauds soleils d'Afrique et les espaces infinis.
© L'exposition de Paris - 1889