C’est en 1894 que fut soumise pour la première fois aux organisateurs de la deuxième exposition universelle d’Anvers, l’idée de fournir à l’industrie électrique, un local fermé à la lumière du jour, où elle pourrait mettre en valeur, dans ce cadre idéal, la beauté et les qualités de ses produits. Très favorablement accueillie, cette proposition, présentée trop tardivement, ne fut pas réalisée pour des raisons d’ordre matériel.
Mais cette idée de transformer le compartiment de l’électricité en un véritable « Palais des Lumières » fut reprise à l’occasion de l’Exposition universelle de Gand. Son auteur, M. Mourlon, la présenta, en janvier 1912, au Comité exécutif qui s’y rallia sans hésitation.
Le comité du groupe de l’Electricité décida, dans une assemblée tenue le 18 septembre 1912 sous la présidence de M. le baron Empain, de patronner officiellement le projet Mourlon et de faire du Palais des Lumières un véritable centre d’attraction. L’idée première de ce palais, développée et complétée par l’adjonction d’une partie décorative florale et d’une fontaine lumineuse, parut si heureuse qu’un comité d’organisation fut aussitôt formé. Il se composait de MM. Charles Mourlon, président ; Vital Françoisse, Léon Gérard et Jules Kessel, vice-présidents ; Louis Mettewie, secrétaire; Fernand Van de Wiele, trésorier ; Philippe Bède, Lambion, Emile Closset, Auguste Danthine, Henri Dehousse, Trophime Delville, Auguste Demblon, D. Robert Goldschmidt, Greyson-Defuisseaux, Alexandre Grosjean, Maurice Lambert, Albert Lambot, Edmond Leclercq, Henri Pieper, Edouard Rouvroy, Maurice Travailleur, Charles Van der Stuyft, Eugène Van Meerbecke, Emile Vincent et E. Uytborck, membres.
La Chambre syndicale des électriciens belges assura l’organisation et la direction du palais.
Le Comité exécutif de l’Exposition assuma tous les frais d’éclairage et d’aménagement des locaux; il mit à la disposition de la collectivité un vaste et superbe hall de 2.400 mètres carrés de superficie. Ce local admirablement situé était adossé à la galerie des machines avec laquelle il était en communication ; sa façade principale longeait la grande avenue des Nations.
Pour l’élaboration du projet et sa réalisation, l’initiateur du Palais des lumières trouva au sein de la Chambre syndicale des électriciens et dans le comité de la collectivité, une précieuse collaboration et tout particulièrement dans M. Mettewie, le dévoué secrétaire du Groupe V.
Par une circulaire datée du 28 septembre 1912, le comité, après avoir exposé le projet, fit appel aux électriciens belges en vue de collaborer à cette œuvre inédite.
Cet appel fut entendu ; les plus grandes firmes belges de l’électricité prirent part à l’exposition de la collectivité ; les efforts des organisateurs furent couronnés d’un plein succès. De l’avis unanime, le Palais des Lumières a été une des plus remarquables attractions de l’Exposition Universelle de Gand.
Un des principaux organes de la presse gantoise en a donné une très heureuse description : « il serait presque impossible, écrivait le Bien Public, dans son numéro du 17 juin 1913, de donner une idée même approximative des féeries que constitue ce brillant compartiment.
Les visiteurs sont éblouis, sans qu’à aucun moment, grâce à la plus heureuse combinaison des nuances et des tons, ils puissent avoir l’œil fatigué. Tout ce que les plus étincelants luminaires ont réalisé est dépassé ici dans des proportions indescriptibles. C’est un spectacle qui, littéralement, arrache des cris d’admiration à tout le monde. »
La décoration du Palais des Lumières fut exécutée avec beaucoup de goût par les membres de la Collectivité belge de l’industrie électrique, avec la collaboration de l’architecte de la Collectivité, M. Emile De Nève.
Au centre, une fontaine lumineuse, exécutée en collaboration par M. Dupont pour la partie sculpturale et par la firme Rouvroy de Gand pour la partie électrique, montra les merveilles que l’on peut réaliser au moyen de l’électricité.
Les grandes lignes du Hall, les jets d’eau et les chutes étaient illuminées au moyen de lampes de couleur d’un effet féerique. Alors qu’il est déjà si difficile, dans les conditions ordinaires, de protéger les installations électriques contre les effets de l’humidité, on ne craignit pas de noyer complètement, dans la vasque principale, des lampes électriques projetant la lumière du fond de la vasque et donnant à l’eau des reflets multicolores. Le plafond du palais était constellé de petites lampes en guirlandes suivant les mouvements du velum. Aux jonctions, des points plus brillants furent obtenus au moyen de lampes demi-mates de 300 bougies.
Les contours des stands étaient dessinés par de petites lampes d’une bougie. De jolis motifs décoratifs avec les attributs de l’électricité et de grands candélabres en perles électriques complétaient le décors.
Nous ne pouvons aborder ici une étude complète de tous les groupes de l’Electricité dans le Palais des Lumières; mais à titre de mémorial de cette belle manifestation de l’industrie électrique belge, il est juste de citer les firmes qui y prirent part.
Au premier rang, il faut nommer la plus importante et en même temps la plus complète et la plus remarquable par la diversité des produits exposés, montrant ainsi l’effort énorme réalisé en vue de lutter avec un plein succès contre la concurrence étrangère dans toutes les branches de l’industrie électrique : les Ateliers de construction électrique de Charleroi. Bell telephone manufacturing C° ; The Antwerp telephone and electrical works ; L’Union des exploitations électriques ; la Société anonyme de téléphonie privée ; la Société Energy-Car, (anc. firme Braun et Tudor) ; Henri Dehousse et Cie ; Ecole pratique de télégraphie sans fil de Laeken ; Société belge d’électricité, éclairage et force motrice ; Société anonyme franco-belge pour les applications de l’électricité ; Société anonyme des accumulateurs Tudor; Société l’industrielle d’accumulateurs ; la Centrale électrique du Nord ; Société anonyme des Usines à cuivre et à zinc de Liège ; Société anonyme Union des Tramways ; Anciennes usines Defuisseaux ; Société belge pour la fabrication de cables et fils électriques ; Collectivité des électriciens belges ; Société électrique J. de Paifve et Olivier ; Société John Cockerill ; Charles Vanderstuyft & Cie ; Edouard Rouvroy (Gand).
A cette nomenclature des principaux exposants du Palais des Lumières, il faut joindre le nom de M. De Nève, le jeune architecte de talent à qui l’on doit les plans de ce palais.
Il exposait les diverses planches avec tous les dessins soumis par lui au Comité exécutif de l’Exposition universelle de Gand pour le Palais des Lumières, tel qu’il fut adopté et réalisé pour l’émerveillement des visiteurs.
Dans le palais que construisit M. Emile Dupont, entrepreneur, les visiteurs ont pris contact avec les merveilles de l’électricité ; ils ont pu se rendre compte des progrès réalisés et des efforts considérables des ingénieurs et des industriels belges.
Ce développement extraordinaire est dû à l’admirable invention de notre compatriote Gramme qui, on le sait, commença ses travaux, en 1867, par l’invention de machines à courants alternatifs. En 1869, il imagina sa machine à courant continu et construisit en 1872 sa dynamo industrielle.
C’est à dater de cette époque que l’on a pu réaliser ces merveilles qui ont étonné, étonnent et étonneront encore, grâce à ce que l’avenir réserve tous ceux qui s’intéressent aux multiples applications de l’électricité.
Rappelons aussi que les inventions du domaine de la téléphonie et de la télégraphie militaires dues à des officiers de l’armée belge, MM. Waffelaer, Renard, Nothomb et Tollen, ont été adoptées dans tous les pays.
Quant à l’industrie proprement dite des téléphones et des télégraphes en Belgique, représentée par les grands établissements créés successivement à Bruxelles et à Anvers,
aucun autre pays n’y a donné une plus grande extension, comme nous avons pu le constater en visitant à Gand quelques-unes de ces importantes installations du Palais des Lumières.
Enfin, n’est-ce pas de la Belgique qu’est partie cette heureuse initiative encouragée par une très haute et puissante intervention, en vue de cet immense développement à donner à la télégraphie et à la téléphonie sans fils et qui eurent pour conséquence ces remarquables installations créées par notre savant compatriote le Dr Robert Goldschmidt ?
Il n’est pas téméraire d’affirmer que la Belgique fut le berceau des industries électriques et de quelques-unes de ces grandes inventions qui ont soulevé l’étonnement et excité l’admiration des savants et des industriels.
Au surplus, ce n’est pas dans le domaine électrique seulement que l’industrie belge de la constriction mécanique occupe une place de premier plan ; elle ne le cède à aucun pays pour la fabrication des grands moteurs de tous systèmes. A ce titre, le Hall des machines voisin du Palais du Congo et du Hall des chemins de fer proclamait bien haut la perfection de l’outillage et le fini d’achèvement des grands ateliers de construction, tels notamment la Société Anonyme des Anciens ateliers Van de Kerchove et la firme Cards, de Gand. Le cadre de ce Livre d’Or nous interdit de faire valoir en détail les moteurs imposants devant lesquels s’arrêtait la foule émerveillée des visiteurs; mais il nous plaît de proclamer bien haut la manifestation de haute puissance industrielle donnée par la Belgique dans le Hall des machines.
©Livre d'Or de l'Exposition Universelle & Internationale de Gand 1913