Le sixième groupe de la classification générale des produits avait trait au Génie civil et aux moyens de transport.
La première partie de ce programme comportait deux classes : la classe 28, groupant les matériaux, le matériel et les procédés du Génie civil; la classe 29 ayant pour mission de réunir les modèles, les plans et les dessins de travaux publics.
Le comité de la première de ces classes était composé de: M. Cousin, Jean, ingénieur honoraire des Ponts et Chaussées, entrepreneur, comme président; de MM. Levy, M., membre de la Chambre des Représentants, président de l'Association des Fabricants de ciments, et Kraft de la Saulx (le Chevalier), ingénieur en chef de la Société Cockerill, comme vice-présidents; de M. Delleur, J. H., bourgmestre de Watermael-Boitsfort, ingénieur, comme secrétaire; de M. Carton, Léonard, ingénieur-constructeur, à Tournai, comme trésorier.
C'est à ce comité qu'est due l'idée de la création du Pavillon du Génie civil, idée que se chargeaient de poursuivre trois de ses membres: MM. Cousin, Delleur et Carton.
L'initiative était heureuse. Aux Expositions antérieures, la classe comportant les matériaux de construction était incomplète et mal ordonnée. Le Comité de la classe 28 chercha à grouper à Liège la plupart des matériaux du pays et à les mettre en oeuvre. Son plan primitif était de créer un pavillon édifié au moyen de ces matériaux. Des graphiques eussent indiqué les qualités techniques de ceux-ci; peut-être eut-on pu également réunir dans ce pavillon les travaux des écoles professionnelles belges et montrer ainsi les résultats de cet enseignement moderne.
Désireux de donner à son projet une forme concrète, le comité susdit avait fait dresser les plans d'un pavillon comportant quatre façades de styles différents et formées de façon à présenter un grand nombre de matériaux. Malheureusement, ce projet ne put être réalisé par suite des frais considérables qu'il nécessitait.
Et cependant une solution était urgente. C'est alors qu'afin de la chercher en commun, le comité de la classe 28 se réunit au comité de la classe 29. Ce dernier comité était présidé par M. Debeil, Alphonse, directeur généra! des Ponts et Chaussées. M. Baar, Edmond, président de l'Association des Entrepreneurs des Travaux Publics de Liège, et M. Monnoyer, Léon, président de la Chambre de Commerce de Bruxelles, en étaient vice-présidents. M. Hachez, Fernand, ingénieur principal des Ponts et Chaussées, professeur à l'Université de Louvain, y remplissait les fonctions de secrétaire-trésorier.
Les délégués des deux comités réunis rencontrèrent le meilleur accueil auprès du Comte de Smet de Naeyer, Ministre des Finances et des Travaux publics. L'honorable Ministre s'engagea à subsidier le pavillon nouveau qui fut dénommé le « Pavillon du Génie civil » et placé sous son haut patronage.
Les membres des comités des classes 28 et 29 désignés comme devant faire partie du comité-directeur du pavillon furent, en qualité de:
Président: M. Debeil, A.
Vice-Président: M. Cousin, Jean.
Secrétaire: M. Delleur, J. H.
Membre: M. Marote, E., ingénieur principal détaché à la Direction générale des Ponts et Chaussées.
Ces deux derniers acceptèrent l'ingrate mission de mener à bien, sous le contrôle du comité directeur, l'œuvre très difficile du groupement de tous les matériaux belges.
C'est alors que le comité lança un « nouvel appel aux producteurs de matériaux belges de construction ».
En voici le passage le plus significatif :
« Ce pavillon émanera des classes 28 et 29 du groupe VI de l'Exposition de Liège ».
La classe 29 possédera une salle dans laquelle seront exposés les modèles, plans, photographies, cartes, dessins et diagrammes, etc., se rapportant aux principaux travaux publics exécutés en Belgique.
La classe 28 aura à sa disposition une salle connexe où seront groupés des échantillons des divers matériaux du pays mis autant que possible en oeuvre, tels que maçonnerie en briques du Rupel, de Bruxelles, du littoral, de la Campine, de La Plante à Namur, de Lobbes, de Waterloo, de Zandvoorde, de Liège, ainsi que des briques de schistes houillers, etc. On y verra, en outre, des pierres naturelles travaillées (petit granit calcaire dévonien, pierres de la Meuse et de Tournai, grès, etc.), des pierres artificielles, des pavés de toutes espèces, des dérivés de la chaux et du ciment, différents types de construction en béton armé, etc.
La salle de la classe 28 sera donc réservée d'une façon générale aux matériaux qui rentrent dans les catégories suivantes :
Pierres naturelles travaillées; — pierres artificielles; — Pavés; — Briques; — Sables; — Terres plastiques et dérivés; — Ciments, Chaux et leurs dérivés; — Ardoises, Tuiles, Toitures en général ; — Procédés de la construction : béton armé, rejointoiement, cimentages; — Similis pierres; — Enduits dérivés du ciment ou de la chaux, etc.
Pour permettre au public d'apprécier les matériaux de construction du pays, des tableaux clairs et précis donneront les qualités les plus intéressantes de ceux-ci: résistance à la traction, à la compression, à la flexion, à la légivité, voire le prix moyen, car certains matériaux sont recherchés pour leurs prix modiques.
M. Roussel, le distingué chimiste principal des Chemins de fer de l'Etat, a bien voulu se charger de fournir les éléments nécessaires à la formation de ces tableaux ».
Tel fut conçu et réalisé le nouveau projet de pavillon du Génie civil. L'emplacement qui lui fut assigné contribua à en retarder quelque peu l'exécution, à raison de la proximité du grand remblai qui supportait les voies d'accès provisoires des trains de marchandises dans l'Exposition.
Mais, à part cet inconvénient, cette situation lui convenait à merveille. Longeant la Dérivation de l'Ourthe, aisément visible du pont de Fragnée, ce pavillon, outre qu'il contribuait à orner cette partie de l'Exposition en formant une suite harmonieuse aux pavillons de l'esplanade, attira bon nombre de visiteurs, que son aspect charma.
Le temps et l'argent disponibles n'ayant pas permis d'exécuter les plans primitifs, on admit un pavillon rectangulaire avec façade principale. L'exécution de celle-ci fut confiée à M. Jolet.
La partie centrale de cette façade, en saillie et dominant les ailes latérales, était surmontée par un groupe symbolique qu'équilibraient, de chaque côté, de grandes Renommées. Dessous, un tympan peint représentait le grand et luxueux pont de Fragnée, l'ouvrage d'art civil dont s'honorait l'Exposition. Puis, surmontée de baies en retrait, à vitraux, s'offrait l'entrée basse et large, arrondie à sa partie supérieure.
Au point de vue technique, ce qui signalait particulièrement l'extérieur du pavillon, c'était la composition de la façade latérale, faisant face à l'Ourthe. Elle comportait une série de façades formées au moyen de matériaux de construction. On- y remarquait un mariage heureux de teintes, montrant bien quel parti on pourrait tirer de nos matériaux dans la construction des maisons modernes.
La construction métallique du pavillon avait été confiée à la participation V. Berteaux et Cie, à Cureghem lez-Bruxelles.
L'intérieur du pavillon avait été divisé en deux salles; l'une groupait les plans et les modèles de travaux publics, l'autre les matériaux de construction.
Dans la première, se signalait particulièrement l'exposition de l'Administration des Ponts et Chaussées. On y remarquait notamment une superbe maquette représentant le port d'Anvers, avec ses bassins, ses quais, bordés de hangars. Le port d'Ostende, le port de Gand, le port de Bruxelles offraient également de cette façon un magnifique aperçu de leurs installations. Accrochés aux cloisons, se trouvaient une foule de photographies, de graphiques, de cartes, complétant l'aspect de leur physionomie d'ensemble.
En ces documents de natures diverses, se montrait l'activité de notre administration des Ponts et Chaussées.
Anvers, Gand, la commune de Saint-Gilles près Bruxelles, montraient par des photographies, des cartes et des graphiques, leurs plus récents travaux dans le domaine du Génie civil et la portée technique de ceux-ci.
La Société du Canal et des Installations maritimes de Bruxelles montrait l'état de ses travaux.
La salle des Travaux publics groupait encore quelques expositions particulières.
Les ingénieurs-constructeurs MM. Coiseau Louis, et Cousin Jean, présentaient un magnifique exposé de leurs plus récentes entreprises. On y trouvait la maquette du port de Zeebrugge, des caissons en réduction, des albums renfermant les plans des travaux et du matériel, des photographies, des cartes d'ensemble de ces travaux au 1/10.000.
Un magnifique plan en relief donnait un aperçu de l'aspect des carrières de Quenast. MM. Berteaux, Victor et Cie, à Cureghem-Bruxelles, exposaient les photographies des divers travaux de construction métallique exécutés par eux en Belgique et à l'étranger.
On remarquait encore les maquettes de pavillon de M. Eugène Fichefet, de Bruxelles, l'avant-projet du pavillon du Génie civil de M. l'architecte Jolet, de Liège, les plans d'un nouveau système de pont imaginé par M. Arthur Vierendeel, professeur à l'Université de Louvain.
Deux exposants achevaient de caractériser la physionomie de la salle des Travaux publics. L'un, M. Félix Coosemans, de Bruxelles, exposait une reproduction en plâtre, à l'échelle de 0m05 par mètre, de la brasserie de l'ancienne Abbaye de Villers, d'après les plans de feu M. Ch. Licot, sous la direction de M. l'architecte L. Pepermans. L'autre,
M. Jean Delleur, de Boitsfort, présentait une maquette d'un nouveau système de murs de quais qui attira l'attention des spécialistes. Il exposait également des tableaux très intéressants d'expériences méticuleuses faites sur différents systèmes de murs de quai de son invention et sur des murs rectangulaires normaux. On pouvait ainsi se rendre compte des avantages que comportaient les nouveaux systèmes.
La seconde salle groupait les matériaux de construction. Elle offrait aux regards un amusant fouillis, pittoresque à souhait. L'oeil apercevait des étalages de pavés, de tonneaux à ciment, des pans de murs, des pans de toitures couvertes d'ardoises bleues, de tuiles grises, rouges, des petits pavillons en plâtre, des maquettes de ponts, des carreaux céramiques de toutes sortes, et au milieu de tout cela, des pancartes, des photographies, des graphiques semblaient vouloir mettre un ordre bureaucratique au milieu de ce désordre. Celui-ci, du reste, ne l'était que pour le regard. Cette salle offrait, au contraire, dans les matériaux qu'elle contenait, l'ordre technique le plus sûr et le plus rationnel dans ces sortes d'exposition. Quelques matériaux avaient été mis en oeuvre, de façon à faire ressortir leur utilité technique.
Ainsi qu'il l'avait été annoncé dans l'appel des producteurs belges, M. Roussel, l'habile chimiste principal des Chemins de fer, avait fait effectuer sur les matériaux de cette salle des essais au banc d'épreuves de Malines. Les Annales des Travaux publics
de Belgique en publièrent les résultats. Ils ne peuvent intéresser que les spécialistes.
Tel fut, esquissé rapidement, ce Pavillon du Génie civil, que ses dévoués organisateurs avaient rêvé plus important encore. Il n'est pas cependant douteux que les matériaux belges qu'il groupait ne s'y soient acquis de nombreuses sympathies, dues autant à la façon dont on les mît en valeur, qu'à leurs qualités réelles.
©Livre d'Or de l'Exposition Universelle de Liège 1905