Le Pavillon de réception lui-même s'inscrivait dans un carré de 32 mètres de côté. Il était précédé d'une terrasse pavée dominée par un mât portant à 50 mètres le drapeau national. Un fût de bronze doré gainait ce mât comme une colonne rostrale où les éperons des navires antiques étaient remplacés par des têtes colossales d'animaux. A la base une fontaine que le sculpteur J. Berchmans avait ornée de cracheurs et de chevaux marins. L. Hoffman et E. Nootens avaient modelé pour les autres angles de la terrasse des nymphes gracieuses qui se tendaient des fleurs. Le sol était pavé d'un dallage polychrome que bordait un parapet en tuiles de Courtrai.
La porte du Palais avait 9 mètres de large et 11 de haut. Un énorme linteau de bronze cachait un store qui s'amarrait dans la gueule de cinq lions dorés.
Le porche était lambrissé de marbre noir que rehaussait la fraîcheur des fresques. L'une d'elles, du maître Fabry, rappelait la joyeuse entrée de Léopold III dans Bruxelles. Au centre, la figure du Roi à cheval; les personnages qui l'acclament occupent le registre inférieur et la masse des drapeaux se confond avec les tons chauds de la brique. Une figure idéale et toute blanche traverse horizontalement le ciel.
En face, P. Artot avait représenté la prestation de serment. Le Roi à gauche, domine l'assemblée, la Reine et les Princes sont placés de front, les dignitaires à droite. On devine les colonnes de l'hémicycle de la Chambre qui s'estompent dans une apothéose des trois Rois qui ont précédé notre Souverain.
La décoration de ce vestibule se complétait par deux panneaux : l'un évoquait Saint Michel, patron de la capitale. Il était l'œuvre de M. Counhaye. L'autre, dû au peintre Stroobants, représentait une figure de lion.
Les portes avaient été forgées par L. François sur les dessins de Paulis et par-dessus l'archivolte de marbre aux rosaces d'or de Engels se mouvait l'horloge monumentale construite par Tordoir.
Le grand salon d'honneur était rouge et or. Du centre d'une riche mosaïque en marbrite, jaillissait une colonne de cristal qui symbolisait par ses trois tambours les trois règnes écoulés et s'ouvrait en boutons de fleurs bleues à 8 mètres du sol, image du règne qui venait de commencer.
Un immense lustre d'argent et d'or renvoyait au centre de la salle, les mille feux du soleil captés sur les terrasses aux quatre points cardinaux.
Le grand vestibule octogonal était entouré de quatre petits salons de même forme. Un grand salon rectangulaire de 8 mètres sur 16 mètres répondait à une salle à manger d'égale étendue. Deux salons carrés, une loge ouverte, une cuisine et des dépendances occupaient le reste du rez-de-chaussée.
Le grand vestibule était garni de marbre rouge de Merbes-Sprimont, de marbre rouge de Rance et dallé de marbrites de Fauquez. Les écoinçons des arcs étaient ornés d'animaux peints par M"e M.-J. van der Haeghen, l'intrados des voûtes, de médaillons, œuvres de F. De Pooter, Colfs, De Roover, Gaillard, L. Gilsoul, P.-A. Masui, Moitroux, Spillaert, Sterck-mans et Max Van Dyck.
Les portes de fer forgées par Alexandre, étaient rehaussées de médaillons, en plomb repoussé, par Aebly. Une frise en fer forgé et sculpté était l'œuvre d'Alfred François. Galler avait fait les balcons.
L'une des quatre petites salles était une bibliothèque de Paul Pelseneer, dont les vitrines de fine ébénisterie renfermaient des reliures rares de R. Simonson, sous les verrous ciselés par Menzel. Des fauteuils verts de Bouy entouraient une cheminée de Henri Losange.
Une autre formait un petit boudoir de satin rose meublé et décoré par Beirnaert.
L'ensemble très raffiné qui lui faisait face, était de Robert Decerf, et Rosel avait équipé la dernière petite salle en vue d'auditions radio-phoniques.
Les hautes fenêtres du grand salon, découvraient jusqu'à leur cime des arbres remarquables. Le velours des rideaux tissé par Achel était bordé de passementeries de Joseph Clara. Au-dessus d'une cheminée de Ermans, qui renfermait une paire de chenets, serpents en fer forgé et pièce de maîtrise tout à fait hors pair des Costermans, se déployait /la grande tapisserie peinte par R. StrebeHe et tissée par G. Chaudoir. Les autres tapisseries du salon avaient été tissées par G. De Wit sur les cartons de P. de Vaucleroy.
La décoration générale en staff avait été exécutée par P. Colleye. Sur un tapis de Peeters-Van Roye et des carpettes en point noué de Guillon étaient répartis les meubles de nos meilleurs ébénistes : de Blondel, un canapé et un fauteuil en satin ivoire, une table en métal et amboine, des tabourets garnis de tapisserie;
de G. Carie, un canapé en velours pêche et une table en acajou et glace;
des Désir, des fauteuils en peau d'agneau, un guéridon acajou et métal;
de G. Desneux, un bureau en bois de rose, un fauteuil maroquin vert, un fauteuil et tabouret en tapisserie;
de Ch. Rosel, des meubles décorés de coquilles d'ceufs, une console en cristal;
de H. Wallaert, une table à jeu en bois de violette, deux petits fauteuils et deux grands du même bois et garnis de velours.
Deux vases en céramique de H. Javaux, le luminaire de De Winter, des reliures de Mademoiselle Godart, complétaient ce bel ensemble que rehaussaient encore les bustes de LL. MM. Albert et Elisabeth par Vinçotte, Léopold III et Astrid par Adolphe Wansart.
Le salon carré, qui lui faisait suite, avait été conçu par Servranckx et exécuté en marbre en collaboration avec Van Haegenborgh.
De la grande loge ouverte vers les jardins l'on découvrait la Galerie du Meuble, qui se déployait sur une longueur de 120 mètres entre deux porches circulaires peints par Schirren et Georges Creten.
Le kiosque des Saisons était un belvédère hardi édifié au centre d'un bassin. Seize colonnes de fer gainées de verre mural de Fauquez, portaient à 15 mètres au-dessus du dallage un plafond de miroir et un toit de tuiles émaillées. La construction était l'œuvre de l'ingénieur J.-F. van der Haegen et de son élève M. De Mol. Les jolies balustrades en fer forgé sortaient des écoles de ferronnerie du royaume.
Quatre statues reposant sur des socles de marbre justifiaient le nom donné à cet édifice : le Printemps, d'Eric Wansart, interprétation fort originale; l'Eté, par F. Débonnaires, auteur des quatre esquisses choisies; l'Automne, par J. Beernaerts, et l'Hiver, par J. Witterwulghe.
Du kiosque, on dominait les jardins, habilement réalisés par René Péchère et ornés de charmantes fontaines circulaires rouges aux poissons noirs. Ces fontaines, étudiées par M. André Hermant, pour l'architecture, modelées par Tony Hermant, avaient été réalisées par le céramiste Helman.
Des fresques encore couvraient les murs de cette loge ouverte et une mention spéciale est due au talent du peintre Léon Navez. Son œuvre était dédiée à LL. MM. Albert et Elisabeth, protecteurs des Arts et des Sciences. Elle était parfaitement accordée à l'architecture de la loge et aux matériaux voisins.
En face de lui R. Van Cauwenberghe avait représenté la rentrée des Souverains dans les villes reconquises après la guerre et M. Langas-kens avait encadré la grande porte de la loge de figures allégoriques.
Les balcons avaient été exécutés par Cruls. La ferronnerie était d'Alexandre. Les fleurs géantes en cuivre des projecteurs de la fontaine et les abeilles des balcons avaient été battues à la main par Lacoste. L'or de ces bronzes rehaussait la riche polychromie des colonnes revêtues de verre mural, rouge pour la loge et bleu pour la fontaine.
On quittait la loge pour traverser le salon carré pavé de travertin qui faisait honneur au goût de M. Baugniet, et on arrivait ainsi à la grande salle à manger. La pièce maîtresse en était assurément la tapisserie qui commémorait l'institution du Parc National Albert. Elle avait été tissée par Braquenié d'après les cartons de Paul Leclerc.
L'éclairage était agréablement diffusé par six appliques placées sur les pilastres et de nombreuses batteries de diffuseurs dissimulées dans les boiseries. Cette intéressante réalisation qui alliait l'éclairage semi-direct à l'éclairage par diffusion était l'œuvre de V. de Winner.
La réalisation de la cheminée dont les chenets s'ornaient de boules de métal inoxydables fut confiée aux Costermans. La sobriété régna ici aussi en maîtresse et cet âtre donna dès avant que ses bûches se soient allumées, une impression d'honnête et franc bien-être.
Enfin deux panneaux en miroir gravés par Ch. M. Brunard, d'un effet raffiné et d'agréable fantaisie, relevaient le somptueux lambrissage en sycomore réalisé par Van Calster.
Le sol était revêtu sur son pourtour, de plaques d'Eternit noir spécial en forte épaisseur. Une rose des vents en tons discrets était incrustée dans le dallage. Les portes étaient aussi recouvertes en Eternit, dont la diversité permettait un revêtement aux tons frais.
Le parquet aux abouts cintrés, d'un dessin agréable et suffisamment calme était dû à La-chapelle. Le cuivre naturel jouait aussi son rôle dans cet ensemble, soit en tant qu'encadrement de porte ou de cheminée, soit dans les fins châssis de vitrines exécutés par Menzel.
Les rideaux étaient réduits au rôle de légers nuages, ils adoucissaient la lumière du jour et interceptaient la vue de l'extérieur. Ces rideaux de 10 mètres de haut, qu'une série de larges bandes courant dans le bas enrichissaient, étaient un prodige de tissage réalisé par Van-den Hole, grâce à la Sétilose, d'aspect et de toucher soyeux, filée par Tubize.
Le mobilier frappait par sa sobriété et sa robustesse; il était fait d'un palissandre presque uni, par Stevens. Les tables avaient été étudiées de façon à se placer bout à bout avec un système d'allonges, de manière à donner place à un nombre variant de 4 à 50 convives. Les chaises larges, aux dossiers bas, soutenus par de souples barres d'acier étaient recouvertes d'une sellette.
Le nappage présentait une heureuse variété, qu'il fut tissé par Marie-Louise Zimmer ou brodé par les soins d'Yvonne Kaufman.
Les services de porcelaine, de cristaux et d'argenterie avaient fait l'objet de soins attentifs. Il n'est pas un détail du service des verres qui n'eut fait l'objet d'études poussées, d'examens et d'échantillonnage du Val-Saint-Lambert.
La vaisselle était d'une belle porcelaine et d'une décoration entièrement exécutée à la main par Demeuldre-Coché, de chez qui sortit naguère le « vieux Bruxelles ». L'argenterie, étudiée par Marcel Wolfers, avec une volonté de simplification alliée à une grande finesse de formes, prouvait que le manque d'ornements n'est point misère et qu'un beau métal traité avec amour peut se passer agréablement de toutes les ciselures et de tous les guillochages.
Parmi les pièces exposées en vitrine, les légumiers au galbe parfait, dont les intérieurs sont en Pyrex, reflétaient l'esprit de cet ensemble. Sobriété mais raffinement de forme, de matière; somptuosité respectant le côté utilitaire, le côté vie, de chaque objet, que ce soient cristaux, porcelaines, orfèvrerie ou mobilier.
Tel était ce Pavillon de réception du Commissariat Général d'une beauté véritablement fascinante.
© Le Livre d'Or de l'Exposition Universelle de Bruxelles 1935