Placée entre celles de l’Italie et de la Chine, la façade japonaise représente tout simplement l’entrée d’une maison bourgeoise moderne.
Un peu écrasée par le voisinage, elle n’en est pas moins remarquable par son élégance sévère, qui contraste si vivement avec celle de la façade chinoise.
Une massive porte de cèdre en défend l’entrée, et sur deux cartes murales figurent les grands panneaux ménagés de chaque côté.
La porte elle-même est maintenue par deux poteaux ferrés, de même essence, et de chaque côté a été élevée une fontaine en porcelaine, de forme gracieuse quoique bizarre : la vasque simule une grande coquille du genre tridacne, supportée par un tronc d’arbre ; le bassin est peuplé de poissons et d’amphibies indigènes, toujours en porcelaine, et entouré de galets peints comme on en trouve en quantité sur nos plages à fond de galets. Ces fontaines sont publiques et des gobelets de bois emmanchés de roseau permettent au passant de s’y désaltérer gratis.
La carte murale de l’empire, outre ses indications linéaires, nous apprend que le Japon est divisé en 35 départements et qu’il possède 116 collèges, 103 écoles de langues vivantes et 24,225 écoles primaires, pour 34 millions d’habitants.
M. Charles Blanc a apprécié cette façade de la façon suivante. Nous croyons devoir citer son opinion à cause de la grande autorité dont il jouit :
« Les Japonais nous donnent un échantillon de leur architecture, qui est remarquable et qui est fort remarqué. Les artistes de Yedo en ont apporté de leur île tous les morceaux et les ont assemblés sur place. Jamais cette vérité : que l’architecture est un art essentiellement relatif, n’a été plus sensible, plus clairement exprimée. Il y a dans la porte japonaise quelque chose de primitif et de raffiné tout ensemble. Deux poteaux pour soutenir les battants, deux poteaux corniers, deux sablières et deux trumeaux en menuiserie, tels sont les éléments naturels de la construction mise en évidence, sans la moindre sophistication de la matière. Le bois de charpente est présenté dans sa nudité, épais, solide et dense; on en sent la force et le poli, on en compte les veines. Les jambages sont revêtus à leur extrémité d’une capsule de cuivre vert, couleur bronze antique, laquelle les protège contre la pourriture à l’endroit par où l’intempérie commencerait à les attaquer. Les bouts de la sablière sont garnis d’un revêtement du même cuivre, et, de plus, ils sont légèrement redressés à la manière chinoise, mais avec une mesure, une délicatesse qui annoncent des hommes de goût. Redresser les extrémités d’un portail comme s’il était d’une matière flexible, et sans épaisseur, retrousser les angles d’une porte comme ceux d’un chapeau chinois, ce serait une faute de goût, et les Japonais n’en commettent point de ce genre, ou cela, du moins, est bien rare.
« A l’extrême simplicité de ce bâti élégant s’ajoute un petit raffinement qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans une construction aussi rudimentaire. La seconde baie, c’est-à-dire l’ouverture de l’exposition japonaise, est surmontée d’un fronton ou plutôt d’un auvent dont les lignes inclinées présentent une insensible courbure, comme celles du fronton du Parthénon. Cette courbure correspond délicatement et en sens inverse au redressement de la sablière. Les revêtements, en bronze vert, sont rappelés sous forme de pentures sur les battants de la porte, à la hauteur des gonds. Les deux murs de la façade, à droite et à gauche de la seconde baie, sont décorés de deux grandes cartes géographiques coloriées, dont l’une est celle du Japon, l’autre un plan de Tokio. L’écriture, servant à^son tour d’embellissement, complète la décoration de cette curieuse entrée, de même qu’elle achève, dans les mosquées du Caire et dans 1’Alhambra, l’ornementation de l’architecture arabe. »
©Les Merveilles de l'Exposition de 1878